OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un point sur le débat sur la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes http://owni.fr/2010/11/27/un-point-sur-le-debat-sur-la-levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes/ http://owni.fr/2010/11/27/un-point-sur-le-debat-sur-la-levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes/#comments Sat, 27 Nov 2010 08:58:48 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=33489 Donneur, receveur, enfant issu d’IAD (insémination artificielle avec donneur) devenu maintenant adulte : suite à la tribune-témoignage d’Albertine Proust publiée le 9 septembre sur Sciences et Démocratie, chacun a eu l’occasion de donner son avis pour alimenter un débat riche et parfois passionné. Et force est de constater qu’à la veille du vote par l’Assemblée Nationale du projet de loi proposé par Roselyne Bachelot, ex-Ministre de la santé, le débat est loin d’être encore clos.

Une quête d’identité incomprise, des limites obscures

Roselyne Bachelot a tenu à l’assurer plusieurs fois : “l’anonymat du donneur sera respecté“. L’idée principale étant que le donneur de gamètes ne verra son anonymat levé qu’avec son accord préalable.  Cet accord ne sera sollicité qu’au moment de la majorité de l’enfant issu du don, si ce dernier en effectue la demande. D’après l’ex-Ministre de la santé,

“le texte prévoit aussi l’accès à des données non identifiantes du donneur, comme son âge. Des informations plus précises d’ordre socioprofessionnel et concernant sa motivation ne seront recueillies lors du don que si le donneur l’accepte.”

Les réactions sont sans appel et le doute s’installe quant à la nécessité de lever l’anonymat de telles informations. Quelles seront les limites ? Dans sa tribune, Albertine va plus loin en exprimant clairement son incompréhension face à cette “quête d’identité” :

Nous ne comprenons pas que des enfants de receveurs puissent faire de la découverte de l’identité du donneur un combat“.

Selon elle, l’histoire de l’enfant se démarque totalement de son origine génétique et du don de gamètes qu’elle a effectué mais s’ancre dans l’histoire de ses parents, de leur projet de conception, de leur chemin parcouru. Un avis parfois partagé, comme le décrit paulineadrien, dans un long commentaire argumenté.

Il me semble que le principal intérêt de retrouver le donneur pourrait être non-pas de savoir que le donneur est tourneur-fraiseur ou un polytechnicien ou qu’il mesure 1m85 [...] le principal intérêt pourrait être dans ce qu’on désigne par informations médicales“.

Un avis aussi souvent contredit, parfois de façon assez passionnelle. Un « IAD » de la première heure, aujourd’hui adulte, témoigne de sa quête identitaire :

Nous ne souhaitons pas établir ou nouer de relation durable avec notre donneur que nous ne considérons pas comme notre père ou notre mère, mais seulement voir son visage pour savoir ce qui constitue notre singularité et notre appartenance à l’humanité“.

Beaucoup semblent accepter le désir de certains adultes de connaître leurs origines génétiques, sans forcément le comprendre. Mais quelles sont les limites de la quête de chacun? Un visage, une discussion, des échanges réguliers ?

Et là, paraît la question du “tout-génétique”… et de la consanguinité !

Le coeur de la pensée d’Albertine Proust repose sur un refus de la mode du “tout-génétique” entretenue actuellement (1). Partout, l’on peut entendre parler de “gène de l’obésité”, “gène de l’intelligence”, “gène de l’alcoolisme”, un mélange de dérive sémantique – il faudrait plutôt parler de prédisposition génétique – et de scientisme édulcoré, où la biologie prend abusivement le dessus au détriment du psychologique et de l’affectif

Anne, qui témoigne sur le site de PMA (Procréation Médicalement Anonyme), association défendant la levée de l’anonymat, illustre bien cette idée :

Le plus difficile c’est de savoir que je ne saurai jamais qui est mon “père”, car pour moi il n’est ni un géniteur, ni un donneur… c’est mon père, biologique évidemment, mais mon père tout de même.

Dès lors se pose la question de définir les notions de père, mère, d’identité ou d’origine. Une question dont on trouve des éléments de réponse parmi les commentaires de la tribune. Eric défend l’idée de ne pas

confondre le fait de vouloir connaître ses conditions de naissance et le fait d’attribuer à la biologie des effets déterministes sur l’identité.

Quant à l’accès aux informations sur les donneurs, Valgm s’interroge :

Quand on vous fait miroiter l’illusion que c’est important, que ça vous sera bénéfique, comment ne pas être tenté ? Et tout ça pour quelles conséquences ?

Cette importance accordée aux gènes donne naissance à une peur tout aussi profonde que relativement injustifiée : celle du demi-frère ou de la demi-sœur cachés avec lesquels l’adulte issu d’IAD craint un rapport incestueux. Cette problématique est d’ailleurs abordée très vite dans le débat des internautes, notamment avec Chloé qui pose une question essentielle :

Cela voudrait-il dire qu’un enfant issu du don, et le sachant, vivra dans la peur constante de s’éprendre d’un demi-frère et devrait alors se restreindre à choisir qui ne lui ressemble pas de peur d’être en couple avec un membre de sa famille génétique ?“.

A vrai dire, la probabilité que cela arrive est quasiment nulle. Le risque de consanguinité est d’ailleurs plus élevé pour une personne conçue “traditionnellement”, d’après Eric qui précise qu’il y aurait

3 % d’enfants dont le père n’est pas l’ascendant génétique suite à un adultère“.

En France, depuis 1973, date de création des Cecos (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains), 50 000 enfants ont vu le jour suite à une IAD grâce à 9000 donneurs. Les lois de bioéthique instaurées en 1994 brident chacun à cinq dons, limite relevée plus tard à dix dons pour faire face à la pénurie de donneurs. Autrement dit, une goutte d’eau sur le nombre de naissances total depuis le début des années 70 (environ 30 millions). Pourtant, cette peur de la consanguinité et de l’inceste qui pourrait en résulter existe bel et bien.

Encore une fois, est-ce que l’on accorde une trop grande importance à la génétique et aux chromosomes, oubliant toute notion anthropologique de ce qu’est une famille, un “frère”, une “soeur” ? Quid de la notion de filiation entre le receveur et son enfant ? Faut-il conserver le mode actuel basé sur la filiation dite “charnelle” qui ne différencie pas un enfant issu d’un don d’un enfant “biologique” ou bien opter pour un mode proche de la filiation adoptive, en révélant donc potentiellement l’identité du donneur sur le certificat de naissance de l’enfant ?

Rétroactivité de la loi, sentiment de trahison et peur d’une diminution des dons

Après l’annonce de Roselyne Bachelot, les anciens donneurs se sont un peu sentis trahis et déconcertés face à une mesure allant à l’encontre des préconisations du rapport Leonetti publiées en janvier 2010. Pour Albertine Proust :

Maintenant que nous avons compris que notre anonymat pourrait à tout moment être remis en cause [...] la réaction la plus intelligente serait de demander la destruction de ce qu’il reste de nos dons. Nous ne voulons pas nous y résoudre

Et 70 % des donneurs suivent peu ou prou cet avis en étant contre la levée de l’anonymat. 60 % renonceraient d’ailleurs au don s’il leur était imposé de dévoiler leur identité. Du côté des receveurs aussi, des réactions hostiles naissent. Un quart d’entre eux semblerait renoncer à leur projet d’enfant si l’anonymat était levé. Par peur de voir leur famille déstabilisée ?

La peur de voir les dons diminuer s’accentue dans un contexte où les temps d’attente atteignent déjà six mois à un an pour bénéficier d’une IAD. Pour certains, aucun doute qu’une telle mesure va conduire à la “fuite” des dons et au développement de filières parallèles de dons illicites, sans limite, sans suivi, sans accompagnement. `

Pourtant les chiffres de pays précurseurs dans le domaine semblent indiquer le contraire. En Suède, premier pays dans le Monde à voter le même type de loi en 1984, le nombre de donneurs s’est stabilisé un an après son entrée en vigueur. Le Royaume-Uni ne paraît pas non-plus avoir été touché statistiquement par la levée de l’anonymat en 2005.

Mais le problème est ailleurs :

ne vaudrait-il pas mieux accompagner les couples qui ont recours à ces banques de gamètes?

interroge très justement Chloé en réponse à Albertine Proust. Toute la question est là.

Peu de parents révèlent à leurs enfants la façon dont ils ont été conçus, à cause du tabou et parfois de la honte de l’infertilité et des difficultés rencontrées. Mais alors que l’intérêt des enfants est à présent le plus mis en avant, ne serait-il pas plus constructif de mettre en avant l’intérêt de la famille dans son ensemble, autour du projet parental ? Quelles pourraient être les solutions mises en place pour accompagner les “receveurs” dans leur démarche et tout au long de leur vie ? Ces interrogations restent en suspens.

>> Article initialement co-publié sur Sciences et Démocratie & Prisme de tête

>> Images CC Flickr : M i x y et wellcome images

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En France, Le débat sur les cellules souches embryonnaires reste au point mort http://owni.fr/2010/11/25/en-france-le-debat-les-cellules-souches-embryonnaires-reste-au-point-mort/ http://owni.fr/2010/11/25/en-france-le-debat-les-cellules-souches-embryonnaires-reste-au-point-mort/#comments Thu, 25 Nov 2010 13:53:38 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=33466 Alors que le débat américain sur les cellules souches ressemble à un feuilleton de soap-opéra – dernier épisode en date, un juge fédéral a annulé le décret de Barack Obama sur le financement public de la recherche sur des cellules souches – nous entendons peu parler de la situation en France.

Y-a-t-il une absence de débat scientifique ou s’agit-il simplement d’un manque d’intérêt public et politique pour la question? Éclairage sur un problème d’éthique certainement trop longtemps laissé de côté.

Espoirs étouffés dans l’œuf

Il s’agit tout d’abord de faire face à la pénurie de don d’organes et réparer des tissus malades mais, les promesses longtemps portées par les cellules souches s’estompent peu à peu face aux difficultés de parcours des chercheurs en thérapie cellulaire. Pourtant, on parlait de guérir la maladie de Parkinson, l’insuffisance cardiaque ou bien des maladies génétiques, entre autres.


Le souci, c’est qu’effectuer des recherches sur les cellules souches, et plus précisément sur les cellules souches embryonnaires (cellules ES) – des cellules capables de se transformer en n’importe quel tissu ou organe – c’est toucher au vivant et à l’humain. Et le débat peut être parfois vif et houleux en ce qui concerne l’Homme, quel que soit son stade de développement.

En France, la loi de bioéthique de 1994 interdit d’abord d’effectuer des recherches sur des embryons et a fortiori sur des cellules souches embryonnaires. Dix ans plus tard, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), le Conseil d’Etat et l’Académie Nationale de Médecine réalisent tout le potentiel de ces cellules et préconisent une autorisation sous conditions. Une révision de la loi de 1994 conduit donc à nuancer cette interdiction totale, en permettant pendant cinq ans certaines dérogations d’utilisation des embryons surnuméraires de fécondations in vitro, avec l’accord des géniteurs.

L’Agence de la biomédecine a d’ailleurs été créée à l’époque – le 5 mai 2005 – pour garantir un choix sélectif des projets choisis et des dérogations accordées, ces dernières n’ayant lieu que dans des cas particuliers menant à “permettre des progrès thérapeutiques majeurs” et surtout à ne pas remplacer une “méthode alternative d’efficacité comparable”. En parallèle, le gouvernement français signait à l’époque un décret permettant l’importation de cellules souches embryonnaires, sensé faciliter le travail des chercheurs et assurer une solution transitoire en attendant un débat plus décisif sur la question.

Mais, entre 2004 et 2008, seules 57 autorisations de protocoles de recherche sur les embryons ont été accordées en France et 39 autorisations d’importations. En réalité, la recherche en thérapie cellulaire  se trouve ralentie par le flou éthique et législatif mais aussi par les nombreuses étapes administratives à “subir” avant de pouvoir faire aboutir un projet viable de recherche.

La révision de la loi, un virage manqué

À l’occasion de la révision de la loi de bioéthique en 2009, le milieu de la recherche peut s’attendre à voir la situation évoluer vers une autorisation totale. En effet, une interdiction pure et simple signerait un véritable retour en arrière dans un débat de longue haleine.

À l’époque, Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l’Agence de biomédecine décrit le système en marche comme étant “néfaste” d’un point de vue juridique. Dans la même veine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ainsi que le CCNE abondent dans le sens d’une recherche “autorisée mais encadrée”.

Mais le Conseil d’Etat, tout en reconnaissant les difficultés qu’impose le moratoire aux instituts de recherche, notamment en termes de prédictions de résultats thérapeutiques, rend sa décision en mai 2009 et préconise de conserver les mêmes normes d’autorisation. 2010 marque la mise en place d’une nouvelle réflexion autour d’une révision de la loi de 1994, une nouvelle de voir la situation évoluer. Alors aujourd’hui, où en sommes-nous?

Jean Leonetti, rapporteur de la mission parlementaire sur la bioéthique, avait proposé en début d’année de parler dorénavant d’obligation de “finalité médicale” et non-plus de “finalité thérapeutique”. Par “finalité médicale”, il faut comprendre “ayant pour but une amélioration de la santé de l’homme, et non le savoir pour le savoir”. Une façon détournée d’élargir les champs de recherche.

Plusieurs parlementaires de l’Opecst ont ensuite défendu l’autorisation réelle des projets de recherche sur les cellules ES, dans un cadre très strict, certes, et sous certaines réserves. Dans la foulée, ils ont permis l’ouverture du débat sur les cellules de sang de cordon, porteuses d’espoirs thérapeutiques.
Le projet de loi est aujourd’hui prêt et finalement… peu de changements effectifs. La recherche sur les cellules ES est toujours interdite, sauf dérogations. Seule modification : la limite de période de dérogation initialement  fixée à cinq ans disparait. Un pas de souris.

Le salut viendra peut-être des CPI (Cellules Pluripotentes induites), des cellules souches que deux équipes de recherches japonaise et américaine ont réussi à créer à partir de… cellules de peau humaine ! Si cette nouvelle piste de recherche aboutit, le débat sur l’utilisation d’embryons humains pourra se clore de lui-même. En attendant, c’est statu quo… ou quasiment.

Illustrations FlickR CC : BWJones, stefg74

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Cellules souches embryonnaires reloaded http://owni.fr/2010/11/24/cellules-souches-embryonnaires-reloaded/ http://owni.fr/2010/11/24/cellules-souches-embryonnaires-reloaded/#comments Wed, 24 Nov 2010 15:34:40 +0000 Roud http://owni.fr/?p=33464

Août 2010 : le juge fédéral Royce Lamberth rend une décision terrible pour la recherche sur les cellules souches humaines aux États -Unis. Suite à une plainte de deux chercheurs travaillant sur les cellules souches “adultes” (et soutenus par des associations familiales d’inspiration conservatrice), le juge prend la décision de suspendre tous les travaux sur les cellules souches financés par des fonds fédéraux. Une décision qui met en péril tout ce domaine de recherche aux États-Unis et représente sans aucun doute un point de basculement pour un pays dont la législation a en permanence jonglé entre impératifs moraux et de recherche ces 15 dernières années.

La législation américaine sur le sujet dérive en effet de l’amendement Dickey-Wicker voté en 1996. Cet amendement à forte inspiration conservatrice stipule, pour faire simple, qu’aucun fond fédéral ne peut être utilisé pour financer la recherche impliquant la destruction d’embryons humains. Comme l’extraction de cellules souches embryonnaires ne peut se faire sans destruction d’embryons, cette loi interdisait donc de facto aux scientifiques la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

L’astuce de Clinton, l’interdiction de Bush

Pour contourner cet amendement, l’administration Clinton (au pouvoir à l’époque)  met en place une distinction subtile en 1999. L’idée est la suivante : certes on ne peut détruire des embryons sur fonds fédéraux, mais on peut demander à ce que la destruction nécessaire à l’extraction des cellules souches soit faite sur fonds privés, tout en autorisant la recherche sur fonds publics pour les cellules souches ainsi dérivées. Ainsi la recherche sur le sujet peut-elle décoller  !

Bush junior est alors élu fin 2000. Le 9 août 2001, il prononce un discours (disséqué par mes soins dans ce billet) annonçant un encadrement ferme de la recherche sur les cellules souches. W  revient sur la distinction faite par Clinton  : il interdit purement et simplement l’utilisation de fonds publics pour la recherche sur les cellules souches impliquant la destruction de nouveaux embryons.  Bush autorise néanmoins les recherches financées par l’état fédéral pour un type de cellules souches embryonnaires humaines : celles dérivées avant la décision du 9 Août 2001, dans la mesure où l’embryon a de facto déjà été détruit.

Pendant 8 ans, les chercheurs doivent gérer cette situation tant bien que mal. Certains décident de tenir deux labos en parallèle : l’un financé sur des fonds fédéraux, utilisant les lignées dérivées avant le 9 Août 2001 autorisées par Bush, l’autre financé par des fonds privés, autorisé par conséquent à dériver des nouvelles lignées et à faire de recherche dessus.  On le devine, la situation n’était pas simple. Notons toutefois que certains États (comme le Massachussets) décident de contourner la loi Bush en offrant des financements sur leurs fonds propres.

Les incertitudes de l’ère Obama

Fin 2008, Obama est élu. Début mars 2009, Obama signe un “executive order” levant l’interdiction formulée par Georges Bush, et revenant essentiellement à l’ère Clinton. Champagne dans les labos, qui peuvent de nouveau se servir de fonds fédéraux sur la seule base de la science et sans avoir à faire de la traçabilité fine de tout le financement. Cependant,  l’executive order d’Obama ne revenait pas sur l’amendement Dickey-Wicker.

Ce qui permet au juge Lamberth de balayer donc début août de cette année cette fine distinction entre destruction d’embryons (interdite sur les fonds publics) et utilisation de cellules souches issue de cette destruction (autorisée de nouveau par Obama).

If one step or ‘piece of research’ of an E.S.C. research project results in the destruction of an embryo, the entire project is precluded from receiving federal funding,

Si un projet de recherche sur les cellules souches nécessite la destruction d’un embryon, le projet entier ne doit pas recevoir de financement fédéral

Pire : de facto, la décision Lamberth interdit même la recherche sur les cellules souches autorisées par Bush. Le domaine se trouve soudainement complètement bloqué : le NIH (National Institute of Health, principal organisme de financement)  suspend les demandes de financement du domaine, suspend les futurs paiements planifiés, etc. L’inquiétude gagne les labos travaillant sur ce sujet exigeant et coûteux qui risquent de mettre la clé sous la porte. Finalement, le 9 septembre, un appel suspend provisoirement la décision du juge Lamberth, avant que la Cour d’Appel du District de Columbia ne conteste la validité des conclusions du juge Lamberth (sans toutefois les réfuter). La recherche peut continuer pour l’instant, mais en l’absence d’une nouvelle législation, rien n’est sûr pour demain,  nombreux sont les chercheurs du domaine dans les limbes

Billet initialement publié sur Matières premières

Image CC Flickr afagen

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Bioéthique, réfléchir sur ce que nous faisons du vivant http://owni.fr/2010/11/19/bioethique-reflechir-sur-ce-que-nous-faisons-du-vivant/ http://owni.fr/2010/11/19/bioethique-reflechir-sur-ce-que-nous-faisons-du-vivant/#comments Fri, 19 Nov 2010 16:41:59 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=36297 Bioéthique, bioéthique… Régulièrement depuis 1994, on entend parler d’une loi de bioéthique. Cette année, c’est Roseline Bachelot qui a présenté, juste avant son départ du ministère de la Santé, un projet de révision (PDF) de cette loi.

Depuis une quarantaine d’années, la bioéthique (mot inventé en 1970 par le cancérologue américain Van Potter ) réfléchit sur les problèmes liés à l’action des médecins et des biologistes sur notre société.

Bien sûr, les médecins ont depuis longtemps leur fameux serment d’Hippocrate. Mais la bioéthique n’encadre pas seulement la pratique quotidienne du médecin, c’est plus généralement une réflexion collective sur nos actions sur le vivant et sur l’homme en particulier.

L’expérimentation nazi comme déclencheur

C’est la Deuxième Guerre mondiale qui a déclenché cette réflexion. Le verdict du “procès des médecins” de Nuremberg (en 1947) se base sur ce qu’on appelle le Code de Nuremberg qui définit les dix « principes fondamentaux qui devraient être observés pour satisfaire aux concepts moraux, éthiques et légaux concernant, entre autres, les recherches menées sur des sujets humains » pour juger vingt médecins et trois officiels nazis.

Mais pas de trace d’une “physicoéthique” après les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki : ces évènements ont bien sûr fait réfléchir les physiciens, mais sans que ça n’implique un grand mouvement de réflexion comme la bioéthique. On réfléchit sur les erreurs du vaincus, moins sur celles des vainqueurs.

D’ailleurs, les médecins américains ne se sentent pas concernés considérant que ces crimes ne sont dus qu’à l’idéologie nazie. Et il faut attendre la fin des années 60 pour que le monde occidental, et d’abord l’Amérique du Nord, se pose des questions sur ses pratiques.

L’émergence d’un sentiment de responsabilité

La montée de ces préoccupations à la fin des années 60 n’est pas un hasard. Guy Rocher remarque qu’elle coïncide avec l’émergence de la classe moyenne, le désenchantement du monde et de l’histoire, la mutation des rapports sociaux et la fragmentation des zones de vie.

Mais elle coïncide aussi et surtout avec la dépénalisation du suicide aux États-Unis et de l’avortement, le déclin de l’influence de la morale religieuse, l’arrivée de la pilule contraceptive, des premières expériences sur l’ADN et l’émergence du mouvement de l’antipsychiatrie. Certains mouvements dénoncent aussi, à ce moment-là, le paternalisme des médecins et demandent une responsabilisation plus importante du patient.

La biologie et la médecine ont pris une dimension nouvelle et leurs conséquences deviennent importantes à grande échelle (pour la population mais aussi pour les générations futures). Et plusieurs scandales éclatent aux États-Unis. Des expérimentations sont faites sans le consentement des patients. Par exemple, l’injection du virus de l’hépatite A à des enfants handicapés mentaux ou l’affaire de la thalidomide.

Ce médicament a été testé sur des femmes enceintes sans leur consentement et sans que les tests soient approuvés par La Food & Drugs Association (organisation délivrant les autorisations de commercialisation des médicaments aux États-Unis). Et les conséquences furent importantes puisque certains enfants sont nés avec de graves malformations (membres manquants). Aux États-Unis, ces différents scandales déclenchent la création des premiers comités d’éthique, les Institutional Review Boards, en 1971.

En France, les premières lois de bioéthique votées en 1994

Alors qu’aux États-Unis, la question est de savoir si les avancées technologiques respectent le droit des individus, en France, nous nous interrogeons plus sur les pouvoirs qu’a l’humain sur lui-même.

Ce n’est qu’en 1983 que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) est créé en France. Ce comité se dirige clairement vers une réflexion pluridisciplinaire entre chercheurs, médecins théologiens, juristes, anthropologues et philosophes sans volonté de légiférer mais plutôt de faire réfléchir ces experts sur les problématiques comme le statut de l’embryon, l’eugénisme… Les autorités semblent se méfier du débat public et laissent débattre les experts de ce qui est bon pour notre société.

Pourtant, les débats de bioéthique intéressent beaucoup. Les associations, notamment  religieuses et féministes, commencent à le porter dans la sphère publique.

Mais c’est sans réelle concertation publique que les premières lois de bioéthique sont votées en 1994. Elles encadrent le traitement des données nominatives dans le domaine de la santé, le respect du corps humain, l’étude des caractéristiques génétiques des personnes, la protection de l’espèce humaine et la protection de l’embryon humain. Elles traitent aussi du don des éléments et produits du corps humain, et définit les modalités de la mise en œuvre de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) et du diagnostic prénatal. Elles devaient être révisées au bout de cinq ans, pour réévaluer les besoins juridiques en matière d’éthique, face aux progrès de la science.

Mais cette réévaluation n’interviendra qu’en 2004. Entre temps le clonage est devenu un sujet important dans le débat public. Cette loi l’interdit qu’il soit reproductif (permettant la vie d’un être humain) ou thérapeutique (permettant d’utiliser les cellules souches d’un embryon pour produire des tissus d’organes). La recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires est en principe interdite avec une dérogation possible. Enfin l’Agence de la biomédecine est créée.

Un essai de débat citoyen

En 2009, pour préparer la nouvelle révision de la loi, des états généraux de la bioéthique ont été organisés  rassemblant les citoyens autour de débats. Mais certaines voix se sont élevées pour critiquer leur mise en place. Jacques Testart, biologiste et père du premier bébé éprouvette en France en 1982, estime que “sans véritable traduction législative, les conférences de citoyens, forums, débats publics, etc., ne peuvent constituer que des exutoires, voire des leurres démocratiques”.

Et effectivement, alors que de nombreux thèmes ont été abordés pendant les états généraux ( la gestation pour autrui, les tests génétiques, l’assistance médicale à la procréation, les cellules souches et les recherches sur l’embryon…),  finalement, peu de choses de ces débats ressortent dans le projet de loi (PDF) présentée par Roseline Bachelot.

Malgré tout, quelques points restent marquants dans le projet. La levée de l’anonymat du don de sperme (avec autorisation du donneur) est la mesure-phare du projet. Pourtant, elle divise encore les opinions et suscite surtout un grand nombre de réactions multilatérales autour d’un don qui a toujours été anonyme. La ministre de la Santé a mis en avant l’intérêt des enfants pour justifier cette mesure. Mais ne serait-il pas plus constructif de mettre en avant l’intérêt de la famille dans son ensemble, autour du projet parental ?

Le texte de la proposition de loi change un tout petit peu les conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation. Tout en rappelant le caractère strictement médical des critères d’accès à cette assistance, il permet aux couples pacsés et hétérosexuels l’accès à ce droit. Les couples non pacsés ou non mariés et les homosexuels ne peuvent toujours pas y avoir accès.

Enfin, le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires reste. La loi de 2004 l’interdisait (avec une possibilité de dérogations données par l’Agence de la biomédecine) et prévoyait un moratoire de cinq ans. Le projet de loi maintient cette interdiction mais ne prévoit plus de réévaluation de cette mesure. Finalement le débat risque de rester au point mort pendant longtemps. En tout cas il n’est pas aussi vif que ce qui se passe au États-Unis où des décisions sont prises dans un sens puis dans l’autre depuis quinze ans.

Avec la suppression de ce moratoire, certains ont peur que cela marque la fin des révisions (plus ou moins) régulières de la loi. Philippe Bourlitio, de Sciences et Démocratie, pense que la proposition de loi sur “l’organisation du débat public sur les problèmes éthiques” (déjà voté par le parlement mais pas encore passée au sénat) est une sorte de compensation à la suppression de la révision obligatoire de la loi de bioéthique. Mais il critique fortement ce texte, expliquant que le Comité consultatif national d’éthique serait le seul habilité à décider si un débat est nécessaire.

Bref, le débat public sur la bioéthique risque de rester à l’état embryonnaire en France.

>> Illustrations FlickR CC : mars_discovery_district, Dunechaser

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Cellules souches embryonnaires aux USA: ||je t’aime, moi non plus http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-aux-eu-je-taime-moi-non-plus/ http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-aux-eu-je-taime-moi-non-plus/#comments Fri, 19 Nov 2010 15:45:18 +0000 Roud http://owni.fr/?p=35982

Août 2010 : le juge fédéral Royce Lamberth rend une décision terrible pour la recherche sur les cellules souches humaines aux États -Unis. Suite à une plainte de deux chercheurs travaillant sur les cellules souches “adultes” (et soutenus par des associations familiales d’inspiration conservatrice), le juge prend la décision de suspendre tous les travaux sur les cellules souches financés par des fonds fédéraux. Une décision qui met en péril tout ce domaine de recherche aux États-Unis et représente sans aucun doute un point de basculement pour un pays dont la législation a en permanence jonglé entre impératifs moraux et de recherche ces 15 dernières années.

La législation américaine sur le sujet dérive en effet de l’amendement Dickey-Wicker voté en 1996. Cet amendement à forte inspiration conservatrice stipule, pour faire simple, qu’aucun fond fédéral ne peut être utilisé pour financer la recherche impliquant la destruction d’embryons humains. Comme l’extraction de cellules souches embryonnaires ne peut se faire sans destruction d’embryons, cette loi interdisait donc de facto aux scientifiques la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

L’astuce de Clinton, l’interdiction de Bush

Pour contourner cet amendement, l’administration Clinton (au pouvoir à l’époque)  met en place une distinction subtile en 1999. L’idée est la suivante : certes on ne peut détruire des embryons sur fonds fédéraux, mais on peut demander à ce que la destruction nécessaire à l’extraction des cellules souches soit faite sur fonds privés, tout en autorisant la recherche sur fonds publics pour les cellules souches ainsi dérivées. Ainsi la recherche sur le sujet peut-elle décoller  !

Bush junior est alors élu fin 2000. Le 9 août 2001, il prononce un discours (disséqué par mes soins dans ce billet) annonçant un encadrement ferme de la recherche sur les cellules souches. W  revient sur la distinction faite par Clinton  : il interdit purement et simplement l’utilisation de fonds publics pour la recherche sur les cellules souches impliquant la destruction de nouveaux embryons.  Bush autorise néanmoins les recherches financées par l’état fédéral pour un type de cellules souches embryonnaires humaines : celles dérivées avant la décision du 9 Août 2001, dans la mesure où l’embryon a de facto déjà été détruit.

Pendant 8 ans, les chercheurs doivent gérer cette situation tant bien que mal. Certains décident de tenir deux labos en parallèle : l’un financé sur des fonds fédéraux, utilisant les lignées dérivées avant le 9 Août 2001 autorisées par Bush, l’autre financé par des fonds privés, autorisé par conséquent à dériver des nouvelles lignées et à faire de recherche dessus.  On le devine, la situation n’était pas simple. Notons toutefois que certains États (comme le Massachussets) décident de contourner la loi Bush en offrant des financements sur leurs fonds propres.

Les incertitudes de l’ère Obama

Fin 2008, Obama est élu. Début mars 2009, Obama signe un “executive order” levant l’interdiction formulée par Georges Bush, et revenant essentiellement à l’ère Clinton. Champagne dans les labos, qui peuvent de nouveau se servir de fonds fédéraux sur la seule base de la science et sans avoir à faire de la traçabilité fine de tout le financement. Cependant,  l’executive order d’Obama ne revenait pas sur l’amendement Dickey-Wicker.

Ce qui permet au juge Lamberth de balayer donc début août de cette année cette fine distinction entre destruction d’embryons (interdite sur les fonds publics) et utilisation de cellules souches issue de cette destruction (autorisée de nouveau par Obama).

If one step or ‘piece of research’ of an E.S.C. research project results in the destruction of an embryo, the entire project is precluded from receiving federal funding,

Si un projet de recherche sur les cellules souches nécessite la destruction d’un embryon, le projet entier ne doit pas recevoir de financement fédéral

Pire : de facto, la décision Lamberth interdit même la recherche sur les cellules souches autorisées par Bush. Le domaine se trouve soudainement complètement bloqué : le NIH (National Institute of Health, principal organisme de financement)  suspend les demandes de financement du domaine, suspend les futurs paiements planifiés, etc. L’inquiétude gagne les labos travaillant sur ce sujet exigeant et coûteux qui risquent de mettre la clé sous la porte. Finalement, le 9 septembre, un appel suspend provisoirement la décision du juge Lamberth, avant que la Cour d’Appel du District de Columbia ne conteste la validité des conclusions du juge Lamberth (sans toutefois les réfuter). La recherche peut continuer pour l’instant, mais en l’absence d’une nouvelle législation, rien n’est sûr pour demain,  nombreux sont les chercheurs du domaine dans les limbes

Billet initialement publié sur Matières premières

Image CC Flickr afagen

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Cellules souches embryonnaires en France: un débat au point mort http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-un-debat-au-point-mort-en-france/ http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-un-debat-au-point-mort-en-france/#comments Fri, 19 Nov 2010 12:12:02 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=36098 Alors que le débat américain sur les cellules souches ressemble à un feuilleton de soap-opéra – dernier épisode en date, un juge fédéral a annulé le décret de Barack Obama sur le financement public de la recherche sur des cellules souches – nous entendons peu parler de la situation en France.

Y-a-t-il une absence de débat scientifique ou s’agit-il simplement d’un manque d’intérêt public et politique pour la question? Éclairage sur un problème d’éthique certainement trop longtemps laissé de côté.

Espoirs étouffés dans l’œuf

Il s’agit tout d’abord de faire face à la pénurie de don d’organes et réparer des tissus malades mais, les promesses longtemps portées par les cellules souches s’estompent peu à peu face aux difficultés de parcours des chercheurs en thérapie cellulaire. Pourtant, on parlait de guérir la maladie de Parkinson, l’insuffisance cardiaque ou bien des maladies génétiques, entre autres.


Le souci, c’est qu’effectuer des recherches sur les cellules souches, et plus précisément sur les cellules souches embryonnaires (cellules ES) – des cellules capables de se transformer en n’importe quel tissu ou organe – c’est toucher au vivant et à l’humain. Et le débat peut être parfois vif et houleux en ce qui concerne l’Homme, quel que soit son stade de développement.

En France, la loi de bioéthique de 1994 interdit d’abord d’effectuer des recherches sur des embryons et a fortiori sur des cellules souches embryonnaires. Dix ans plus tard, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), le Conseil d’Etat et l’Académie Nationale de Médecine réalisent tout le potentiel de ces cellules et préconisent une autorisation sous conditions. Une révision de la loi de 1994 conduit donc à nuancer cette interdiction totale, en permettant pendant cinq ans certaines dérogations d’utilisation des embryons surnuméraires de fécondations in vitro, avec l’accord des géniteurs.

L’Agence de la biomédecine a d’ailleurs été créée à l’époque – le 5 mai 2005 – pour garantir un choix sélectif des projets choisis et des dérogations accordées, ces dernières n’ayant lieu que dans des cas particuliers menant à “permettre des progrès thérapeutiques majeurs” et surtout à ne pas remplacer une “méthode alternative d’efficacité comparable”. En parallèle, le gouvernement français signait à l’époque un décret permettant l’importation de cellules souches embryonnaires, sensé faciliter le travail des chercheurs et assurer une solution transitoire en attendant un débat plus décisif sur la question.

Mais, entre 2004 et 2008, seules 57 autorisations de protocoles de recherche sur les embryons ont été accordées en France et 39 autorisations d’importations. En réalité, la recherche en thérapie cellulaire  se trouve ralentie par le flou éthique et législatif mais aussi par les nombreuses étapes administratives à “subir” avant de pouvoir faire aboutir un projet viable de recherche.

La révision de la loi, un virage manqué

À l’occasion de la révision de la loi de bioéthique en 2009, le milieu de la recherche peut s’attendre à voir la situation évoluer vers une autorisation totale. En effet, une interdiction pure et simple signerait un véritable retour en arrière dans un débat de longue haleine.

À l’époque, Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l’Agence de biomédecine décrit le système en marche comme étant “néfaste” d’un point de vue juridique. Dans la même veine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ainsi que le CCNE abondent dans le sens d’une recherche “autorisée mais encadrée”.

Mais le Conseil d’Etat, tout en reconnaissant les difficultés qu’impose le moratoire aux instituts de recherche, notamment en termes de prédictions de résultats thérapeutiques, rend sa décision en mai 2009 et préconise de conserver les mêmes normes d’autorisation. 2010 marque la mise en place d’une nouvelle réflexion autour d’une révision de la loi de 1994, une nouvelle de voir la situation évoluer. Alors aujourd’hui, où en sommes-nous?

Jean Leonetti, rapporteur de la mission parlementaire sur la bioéthique, avait proposé en début d’année de parler dorénavant d’obligation de “finalité médicale” et non-plus de “finalité thérapeutique”. Par “finalité médicale”, il faut comprendre “ayant pour but une amélioration de la santé de l’homme, et non le savoir pour le savoir”. Une façon détournée d’élargir les champs de recherche.

Plusieurs parlementaires de l’Opecst ont ensuite défendu l’autorisation réelle des projets de recherche sur les cellules ES, dans un cadre très strict, certes, et sous certaines réserves. Dans la foulée, ils ont permis l’ouverture du débat sur les cellules de sang de cordon, porteuses d’espoirs thérapeutiques.
Le projet de loi est aujourd’hui prêt et finalement… peu de changements effectifs. La recherche sur les cellules ES est toujours interdite, sauf dérogations. Seule modification : la limite de période de dérogation initialement  fixée à cinq ans disparait. Un pas de souris.

Le salut viendra peut-être des CPI (Cellules Pluripotentes induites), des cellules souches que deux équipes de recherches japonaise et américaine ont réussi à créer à partir de… cellules de peau humaine ! Si cette nouvelle piste de recherche aboutit, le débat sur l’utilisation d’embryons humains pourra se clore de lui-même. En attendant, c’est statu quo… ou quasiment.

Illustrations FlickR CC : BWJones, stefg74

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Levée de l’anonymat des donneurs de gamètes : un point sur le débat http://owni.fr/2010/11/19/levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes-un-point-sur-le-debat/ http://owni.fr/2010/11/19/levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes-un-point-sur-le-debat/#comments Fri, 19 Nov 2010 10:18:26 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=36134 Donneur, receveur, enfant issu d’IAD (insémination artificielle avec donneur) devenu maintenant adulte : suite à la tribune-témoignage d’Albertine Proust publiée le 9 septembre sur Sciences et Démocratie, chacun a eu l’occasion de donner son avis pour alimenter un débat riche et parfois passionné. Et force est de constater qu’à la veille du vote par l’Assemblée Nationale du projet de loi proposé par Roselyne Bachelot, ex-Ministre de la santé, le débat est loin d’être encore clos.

Une quête d’identité incomprise, des limites obscures

Roselyne Bachelot a tenu à l’assurer plusieurs fois : “l’anonymat du donneur sera respecté“. L’idée principale étant que le donneur de gamètes ne verra son anonymat levé qu’avec son accord préalable.  Cet accord ne sera sollicité qu’au moment de la majorité de l’enfant issu du don, si ce dernier en effectue la demande. D’après l’ex-Ministre de la santé,

“le texte prévoit aussi l’accès à des données non identifiantes du donneur, comme son âge. Des informations plus précises d’ordre socioprofessionnel et concernant sa motivation ne seront recueillies lors du don que si le donneur l’accepte.”

Les réactions sont sans appel et le doute s’installe quant à la nécessité de lever l’anonymat de telles informations. Quelles seront les limites ? Dans sa tribune, Albertine va plus loin en exprimant clairement son incompréhension face à cette “quête d’identité” :

Nous ne comprenons pas que des enfants de receveurs puissent faire de la découverte de l’identité du donneur un combat“.

Selon elle, l’histoire de l’enfant se démarque totalement de son origine génétique et du don de gamètes qu’elle a effectué mais s’ancre dans l’histoire de ses parents, de leur projet de conception, de leur chemin parcouru. Un avis parfois partagé, comme le décrit paulineadrien, dans un long commentaire argumenté.

Il me semble que le principal intérêt de retrouver le donneur pourrait être non-pas de savoir que le donneur est tourneur-fraiseur ou un polytechnicien ou qu’il mesure 1m85 [...] le principal intérêt pourrait être dans ce qu’on désigne par informations médicales“.

Un avis aussi souvent contredit, parfois de façon assez passionnelle. Un « IAD » de la première heure, aujourd’hui adulte, témoigne de sa quête identitaire :

Nous ne souhaitons pas établir ou nouer de relation durable avec notre donneur que nous ne considérons pas comme notre père ou notre mère, mais seulement voir son visage pour savoir ce qui constitue notre singularité et notre appartenance à l’humanité“.

Beaucoup semblent accepter le désir de certains adultes de connaître leurs origines génétiques, sans forcément le comprendre. Mais quelles sont les limites de la quête de chacun? Un visage, une discussion, des échanges réguliers ?

Et là, paraît la question du “tout-génétique”… et de la consanguinité !

Le coeur de la pensée d’Albertine Proust repose sur un refus de la mode du “tout-génétique” entretenue actuellement (1). Partout, l’on peut entendre parler de “gène de l’obésité”, “gène de l’intelligence”, “gène de l’alcoolisme”, un mélange de dérive sémantique – il faudrait plutôt parler de prédisposition génétique – et de scientisme édulcoré, où la biologie prend abusivement le dessus au détriment du psychologique et de l’affectif

Anne, qui témoigne sur le site de PMA (Procréation Médicalement Anonyme), association défendant la levée de l’anonymat, illustre bien cette idée :

Le plus difficile c’est de savoir que je ne saurai jamais qui est mon “père”, car pour moi il n’est ni un géniteur, ni un donneur… c’est mon père, biologique évidemment, mais mon père tout de même.

Dès lors se pose la question de définir les notions de père, mère, d’identité ou d’origine. Une question dont on trouve des éléments de réponse parmi les commentaires de la tribune. Eric défend l’idée de ne pas

confondre le fait de vouloir connaître ses conditions de naissance et le fait d’attribuer à la biologie des effets déterministes sur l’identité.

Quant à l’accès aux informations sur les donneurs, Valgm s’interroge :

Quand on vous fait miroiter l’illusion que c’est important, que ça vous sera bénéfique, comment ne pas être tenté ? Et tout ça pour quelles conséquences ?

Cette importance accordée aux gènes donne naissance à une peur tout aussi profonde que relativement injustifiée : celle du demi-frère ou de la demi-sœur cachés avec lesquels l’adulte issu d’IAD craint un rapport incestueux. Cette problématique est d’ailleurs abordée très vite dans le débat des internautes, notamment avec Chloé qui pose une question essentielle :

Cela voudrait-il dire qu’un enfant issu du don, et le sachant, vivra dans la peur constante de s’éprendre d’un demi-frère et devrait alors se restreindre à choisir qui ne lui ressemble pas de peur d’être en couple avec un membre de sa famille génétique ?“.

A vrai dire, la probabilité que cela arrive est quasiment nulle. Le risque de consanguinité est d’ailleurs plus élevé pour une personne conçue “traditionnellement”, d’après Eric qui précise qu’il y aurait

3 % d’enfants dont le père n’est pas l’ascendant génétique suite à un adultère“.

En France, depuis 1973, date de création des Cecos (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains), 50 000 enfants ont vu le jour suite à une IAD grâce à 9000 donneurs. Les lois de bioéthique instaurées en 1994 brident chacun à cinq dons, limite relevée plus tard à dix dons pour faire face à la pénurie de donneurs. Autrement dit, une goutte d’eau sur le nombre de naissances total depuis le début des années 70 (environ 30 millions). Pourtant, cette peur de la consanguinité et de l’inceste qui pourrait en résulter existe bel et bien.

Encore une fois, est-ce que l’on accorde une trop grande importance à la génétique et aux chromosomes, oubliant toute notion anthropologique de ce qu’est une famille, un “frère”, une “soeur” ? Quid de la notion de filiation entre le receveur et son enfant ? Faut-il conserver le mode actuel basé sur la filiation dite “charnelle” qui ne différencie pas un enfant issu d’un don d’un enfant “biologique” ou bien opter pour un mode proche de la filiation adoptive, en révélant donc potentiellement l’identité du donneur sur le certificat de naissance de l’enfant ?

Rétroactivité de la loi, sentiment de trahison et peur d’une diminution des dons

Après l’annonce de Roselyne Bachelot, les anciens donneurs se sont un peu sentis trahis et déconcertés face à une mesure allant à l’encontre des préconisations du rapport Leonetti publiées en janvier 2010. Pour Albertine Proust :

Maintenant que nous avons compris que notre anonymat pourrait à tout moment être remis en cause [...] la réaction la plus intelligente serait de demander la destruction de ce qu’il reste de nos dons. Nous ne voulons pas nous y résoudre

Et 70 % des donneurs suivent peu ou prou cet avis en étant contre la levée de l’anonymat. 60 % renonceraient d’ailleurs au don s’il leur était imposé de dévoiler leur identité. Du côté des receveurs aussi, des réactions hostiles naissent. Un quart d’entre eux semblerait renoncer à leur projet d’enfant si l’anonymat était levé. Par peur de voir leur famille déstabilisée ?

La peur de voir les dons diminuer s’accentue dans un contexte où les temps d’attente atteignent déjà six mois à un an pour bénéficier d’une IAD. Pour certains, aucun doute qu’une telle mesure va conduire à la “fuite” des dons et au développement de filières parallèles de dons illicites, sans limite, sans suivi, sans accompagnement. `

Pourtant les chiffres de pays précurseurs dans le domaine semblent indiquer le contraire. En Suède, premier pays dans le Monde à voter le même type de loi en 1984, le nombre de donneurs s’est stabilisé un an après son entrée en vigueur. Le Royaume-Uni ne paraît pas non-plus avoir été touché statistiquement par la levée de l’anonymat en 2005.

Mais le problème est ailleurs :

ne vaudrait-il pas mieux accompagner les couples qui ont recours à ces banques de gamètes?

interroge très justement Chloé en réponse à Albertine Proust. Toute la question est là.

Peu de parents révèlent à leurs enfants la façon dont ils ont été conçus, à cause du tabou et parfois de la honte de l’infertilité et des difficultés rencontrées. Mais alors que l’intérêt des enfants est à présent le plus mis en avant, ne serait-il pas plus constructif de mettre en avant l’intérêt de la famille dans son ensemble, autour du projet parental ? Quelles pourraient être les solutions mises en place pour accompagner les “receveurs” dans leur démarche et tout au long de leur vie ? Ces interrogations restent en suspens.

>> Article initialement co-publié sur Sciences et Démocratie & Prisme de tête

>> Images CC Flickr : M i x y et wellcome images

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