OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Copier, couper, coudre: un procédé bientôt démodé aux États-Unis? http://owni.fr/2010/09/30/copier-couper-coudre-un-procede-bientot-demode-aux-etats-unis/ http://owni.fr/2010/09/30/copier-couper-coudre-un-procede-bientot-demode-aux-etats-unis/#comments Thu, 30 Sep 2010 06:30:47 +0000 Marie-Andrée Weiss http://owni.fr/?p=29804

Un sénateur américain, Charles Schumer, a introduit en août dernier une proposition de loi devant le Sénat américain, l’Innovative Design Protection and Piracy Prevention Act (IDPPPA), qui donnerait aux produits de la mode la protection du copyright, le droit de la propriété intellectuelle des États-Unis. À ce jour, ni les vêtements, ni les accessoires de mode ne sont protégés par le copyright, même s’ils bénéficient de quelques protections légales.

Les produits de la mode ne sont guère protégés par le droit de la propriété intellectuelle des États-Unis. Les créateurs de mode utilisent parfois le droit des marques des États-Unis, trademark law, pour protéger leurs créations. Ce droit reconnait un droit de protection de la trade dress, c’est-à-dire le packaging ou le design du produit. Les juges requièrent néanmoins que soit prouvée l’existence d’un secondary meaning : il faut que, dans l’esprit du public, le design du produit identifie la source du produit, c’est-à-dire la marque de la robe ou bien du sac. Marc Jacob a ainsi poursuivi en justice Christian Audigier au début de cette année, en invoquant la contrefaçon de la trade dress d’un de ses sacs par un sac de son concurrent.

Le droit des brevets, patent law, peut protéger en théorie les produits de la mode, mais la barre est haute à franchir, car seules les inventions peuvent être protégées par ce droit. On n’invente pas le fait de placer un col rond à paillettes sur un pull bleu, mais on peut inventer un procédé de coupe révolutionnaire, ou le tissu permettant de passer à travers les murailles. À noter, les motifs des tissus sont protégés par le copyright.

Quelles sont les créations protégées par le copyright ?

Le droit fédéral du copyright, codifié par le Titre 17 du Code des États-Unis, l’U.S. Copyright Act, protège les œuvres originales fixées dans une forme d’expression tangible (tangible form of expression). Une œuvre est considérée originale si elle est le fruit d’un minimum de créativité (modicum of creativity). En revanche, les œuvres utiles ne sont pas protégées puisque, au contraire du droit français, les États-Unis ne reconnaissent pas la théorie de l’unité de l’art, selon laquelle les œuvres sont protégées quel que soit leur mérite artistique, et ce même si elles ont un caractère utilitaire. Or les produits de la mode, vêtements et accessoires, ont une utilité certaine, que ce soit pour aider à la régulation de notre température interne ou la protection de notre pudeur.

Pas de protection par le copyright des créations utilitaires

Le Copyright Act définit un article utilitaire comme « un objet ayant une fonction intrinsèque utilitaire qui n’est pas seulement de dépeindre l’aspect de l’article ou de transmettre des informations». Plus simplement, la fonction utilitaire ne doit pas être exclusivement esthétique ou informationnelle. Certains aspects purement esthétiques de l’article peuvent néanmoins être protégés par le copyright. Une boucle de ceinture et un masque de carnaval se sont ainsi vu reconnaitre la protection du copyright. Les juges ont reconnu dans ces deux cas que le dessin, le design, de l’article était indépendant de sa fonction utilitaire, car il pouvait être identifié séparément, ou bien exister séparément de l’aspect utilitaire de l’article. Cette théorie a pour effet de permettre la protection par le copyright de la forme originale d’un nœud cousu sur la robe, mais non de la robe elle-même. Less is (not) more.

Une exception : la protection des coques de bateau par le copyright

Le copyright protège néanmoins depuis 1998 la coque des bateaux, œuvre utilitaire s’il en est ! Le Vessel Hull Design Protection Act a introduit dans le Copyright Act un chapitre 13, qui reconnait au styliste (designer) ou tout autre propriétaire d’un dessin original (original design) d’une coque de bateau, dont l’originalité rend l’article utilitaire attrayant ou d’apparence distincte pour le public, le droit de voir ce dessin original protégé durant dix années par le copyright. La protection n’est pas automatique, et le dessin original doit être enregistré auprès de l’U.S. Copyright Office dans les deux ans suivant leur première publication. Le Copyright Office considère d’ailleurs que la protection des coques des bateaux par le droit est un droit sui generis, un droit indépendant distinct du copyright.
Il suffirait de modifier quelque peu le chapitre 13 pour reconnaitre le droit à être protégé par le copyright à tous les dessins originaux pour peu qu’ils rendent un objet utilitaire attrayant ou d’apparence distincte pour le public. Cette définition englobe certainement les vêtements et accessoires de mode.

Une première atteinte en 2006 de protéger les produits de la mode par le copyright

Charles Schumer avait déjà introduit devant le Sénat en 2007 le Design Piracy Prohibition Act (DPPA), introduit dès 2006 devant la Chambre des représentants. Le DPPA proposait d’amender le chapitre 13 afin de protéger les produits de la mode durant trois années, à condition toutefois de les enregistrer auprès de l’U.S. Copyright Office dans les trois mois suivant leur première publication.
Le DPPA ne fût pas voté, en particulier parce que cette proposition de loi n’avait pas le soutien de l’ensemble des professionnels de la mode. Si le Council of Fashion Designers of America (CFDA) soutenait la proposition de loi, en revanche l’American Apparel and Footwear Association (AAFA) était contre, par crainte que cette loi incite des procès frivoles : « Tu m’as copié ! Non, c’est toi qui m’as copié ! » L’IDPPA a, en revanche, le soutien de l’AAFA et du CFDA.

Ce que propose l’Innovative Design Protection and Piracy Prevention Act de 2010

L’IDPPPA propose également d’amender le chapitre 13 du Copyright Act, mais élimine l’obligation d’enregistrement auprès du Copyright Office. En outre, la loi ne protègerait que les modèles originaux. Pour être original, un modèle devra inclure des éléments originaux, ou bien une manière originale de placer des éléments, qu’ils soient originaux ou non, dans l’apparence générale du modèle. Le modèle devra être le résultat de l’effort créatif du designer et devra « fournir une variation non négligeable et non utilitaire par rapport aux conceptions antérieures pour le même type d’articles » (« provide a unique, distinguishable, non-trivial and non-utilitarian variation over prior designs for similar types of articles »). En d’autres termes, une simple variation sur un thème ne sera pas protégée.
Un styliste ou un couturier souhaitant poursuivre en justice un copieur pour contrefaçon devra prouver que son modèle est protégé par le copyright et que le défendeur au procès a copié son modèle. L’IDPPA définit une copie comme un modèle « substantiellement identique dans son apparence visuelle globale aux éléments d’origine d’un dessin ou modèle protégé ». Le plaignant devra en outre prouver que le dessin ou le modèle protégé, ou bien une image de celui-ci, était disponible dans un ou plusieurs endroits, de telle manière, et pour une durée telle, que l’on peut raisonnablement déduire de l’ensemble des faits et des circonstances que le contrefacteur l’a vu ou en a eu connaissance.
L’IDPPPA contient une exception pour les couturiers et couturières à domicile : il leur sera possible de reproduire à un seul exemplaire un modèle original pour leur usage personnel, ou l’usage personnel d’un membre proche de la famille. De plus, les modèles créés avant la promulgation de la loi feront partie du domaine public.

Est-ce une bonne idée de protéger les créations de la mode par le copyright ?

Les opposants au projet de loi argumentent que protéger les créations de la mode aurait des conséquences négatives pour l’industrie de la mode. Selon eux, pouvoir copier librement serait au contraire bénéfique pour cette industrie. Deux auteurs, les professeurs de droit Kal Raustiala et Christopher Sprigman, sont opposés à la proposition de loi. Ils avaient soutenu dans un article publié en 2006 qu’il existe un piracy paradox : l’industrie de la mode profite paradoxalement du copiage effréné des créations de modes grâce à l’absence de protection de ses créations par le copyright. Le cycle des produits de la mode est court, et la copie encourage le renouvellement nécessaire aux couturiers et aux créateurs, qui présentent au moins deux collections par saison. Les clients suivent : adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. Nous n’avons plus rien à nous mettre à chaque début de saison, et l’industrie de la mode en bénéficie.
À suivre cet automne, pour apprendre si la proposition de loi est votée par le Congrès américain.

Images CC Flickr hexodus…, flatworldsedge et charliestyr

À lire aussi : “Copyright : on aurait beaucoup à apprendre de la mode”

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Le crowdfunding produit un “effet Obama” dans le journalisme http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/ http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/#comments Wed, 11 Aug 2010 16:35:42 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=23843

Tanja Aitamurto est une journaliste spécialisée dans l’intelligence collective -sa thèse porte sur ce sujet- le crowdfunding et le crowdsourcing dans le journalisme. D’origine finlandaise, elle est maintenant basée dans la Silicon Valley et contribue principalement au Huffington Post et au Helsingin Sanomat, le principal quotidien en Finlande. Pour OWNI, elle revient sur le développement du crowdfunding, qui concerne le journalisme mais aussi les industries créatives en général.

Le monde du journalisme semble découvrir le crowdfunding, mais est-ce vraiment si neuf ?

Le crowdfunding est un mécanisme de financement qui existe depuis un certain temps. Le premier effort bien connu dans ce sens a eu lieu en 2003, quand le reporter américain Chris Albritton a réuni assez de dons de lecteurs pour faire un reportage en Irak dans le cadre de son initiative “Retour en Irak“.

Cependant, le crowdfunding est devenu de plus en plus populaire dans le journalisme, pour beaucoup grâce à des plates-formes de crowdfunding à succès comme KickStarter et Spot.Us. Par exemple, rien que sur Spot.Us, plus de soixante sujets ont été financés et plus de 100.000 dollars ont été donnés à des pitches.

Ces derniers temps, il y a aussi eu des expériences de crowdfunding rétrospectif. Par exemple, Paige Williams, une journaliste américaine récompensée pour son travail, a financé son article sur Dolly Freed en réunissant des dons après la publication sur son site.

D’autres formes de mécanisme de crowdfunding comme Flattr et Kachingle gagnent du terrain. On appelle maintenant ces modèles des “paiements sociaux” (social payment, ndlr).

Une des raisons de l’évolution du crowdfunding, c’est le développement rapide des outils du web 2.0, et la pénétration de l’Internet. Ces outils facilitent l’utilisation du crowdfunding dans le cadre du journalisme. En outre, ces modèles traditionnels de revenus deviennent de plus en plus inefficaces, et il faut trouver des alternatives. C’est là où le crowdfunding devient utile.

Diriez-vous que l’émergence actuelle du crowdfunding est un effet positif de la crise des médias ?

Oui, c’est un mouvement positif par deux aspects : d’abord, le crowdfunding a prouvé qu’il fonctionnait comme modèle de financement pour une certaine forme de journalisme, comme le reportage d’investigation et les sujets civiques.

Les nouvelles sources de revenu comme le crowdfunding pour les journalistes sont nécessaires alors que le journalisme entre dans l’ère post-conglomérat. Cela signifie que les grandes entreprises de médias emploient moins de journalistes, mais les journalistes travaillent plus souvent comme freelance ou journaliste-entrepreneur. Par conséquent, ces derniers ont besoin de nouvelles façons d’obtenir des fonds pour leur travail.

Second point, il est très important d’expérimenter de nouveaux business models. C’est la seule façon de trouver ce qui marche vraiment, étant donné que les anciens modèles ne marchent plus si bien.

Est-ce que cette réflexion est spécifique aux pays occidentaux ? Pour quelles raisons ? La crise des médias ?

Les plates-formes et les mécanismes de crowfunding semblent se développer dans les pays occidentaux, probablement en raison du développement parallèle d’autres phénomènes d’interaction à doubles sens, comme le crowdsourcing, le mouvement de l’open data, etc., qui donnent plus de pouvoir aux gens.
Un autre facteur, c’est que les entreprises de média cherchent de nouvelles sources de revenus comme elles ne vont pas si bien financièrement et nous voyons beaucoup d’expériences dans ce sens pour en trouver.
Le troisième élément, c’est que le capital-risque est plus développé dans les pays occidentaux et peut financer des start-ups dans ce domaine, ainsi que d’autres mécanismes de financement comme le Knight News Challenge concours et autres prix.
Cependant, il y a aussi eu d’autres actions dans ce domaine en dehors des pays occidentaux. Par exemple le site de journalisme citoyen OhMyNews, qui vient de fermer sa version internationale, a essayé de collecter des dons de lecteurs sous la forme de licences de membre.

Pensez-vous que le crowdfunding va devenir de plus en plus important dans le financement des reportages ? Du travail créatif en général ?

Oui, absolument, le crowfunding a démontré son efficacité comme mécanisme de financement pour certains types de journalisme. Avec l’aide de plates-formes de crowdfunding comme Spot.Us, Kickstarter et SellaBand, cette méthode devient de plus en plus commune comme source de financement de projets journalistiques et artistiques. Ces plates-formes fournissent une grande opportunité de soutenir des projets particuliers que les gens apprécient au lieu de payer pour l’abonnement complet à un journal qu’ils ne lisent la plupart du temps que partiellement.

De plus, ces plates-formes offrent habituellement la transparence qui manque dans les organisations traditionnelles, comme les entreprises de médias et les rédactions. La transparence accrue offerte par les plates-formes de crowdfunding est importante pour les donateurs, ils peuvent suivre l’utilisation de leur argent.

Maintenant la question, c’est l’ajustement de ces mécanismes. Le grand changement dans les business models du journalisme, c’est qu’il n’y aura plus une ou deux sources de revenus comme c’était le cas jusqu’à présent (publicité et abonnements). Les revenus vont venir de sources multiples et différentes en fonction de la publication et de sa niche. Les dons peuvent en faire partie, selon le cas.

Qu’est-ce qui fait qu’un système de crowdfunding aura du succès ?

Actuellement, il existe deux façons d’approcher le paiement volontaire : soit la somme est fixée, ou le lecteur peut donner autant qu’il le désire. Par exemple dans le domaine du paiement social, Kachingle laisse les gens payer seulement 5 dollars par mois pour tous les sites qu’ils visitent, alors que sur Flattr vous pouvez déterminer la somme vous-mêmes.
L’argument de Kachingle c’est que quand la somme est fixée, le coût de la transaction mentale sera plus petite pour le donateur – ce qui signifie que c’est facile de donner quand vous n’avez pas besoin de réfléchir au montant du don.
Flattr donne aux utilisateurs plus de liberté, de même Spot.Us, le système indique au donateur une suggestion de don, mais ce dernier peut changer la somme. Ces deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénients mais les différences sont minimes. Du point de vue des donateurs, c’est important d’avoir une expérience utilisateur intégrée avec le système de micropaiement. De plus, c’est important de donner aux donateurs des outils pour construire leur identité par leur don. Personnellement, je pense que le mieux c’est de fournir au donateur une suggestion du montant, mais aussi la liberté de le changer.
Je ne vois pas forcément une plate-forme l’emporter sur les autres, elles peuvent co-exister, s’il y a assez d’utilisateurs. Des systèmes de paiements sociaux, celui qui aura le plus de succès sera celui qui sera utilisé par le plus grand nombre de blogueurs importants, et des publications établies.

Vous soulignez que les systèmes de crowdfunding reposent sur l’intelligence collective, êtes-vous optimiste ?

Le cœur de l’intelligence collective peut être défini ainsi : la connaissance est plus juste quand elle est issue de contributions provenant d’une population répartie. Au lieu de compter sur un seul agent, la connaissance est à son meilleur quand une foule variée est conviée au processus de co-création. Le crowdsourcing et le crowdfunding sont des manifestations de l’intelligence collective.

Dans un modèle journalistique crowdfundé où on peut choisir un pitch auquel donner – comme sur Spot.Us-, le donateur a en fait le pouvoir de choisir quels types de sujets seront écrits. Il y a un parallèle entre le don et le vote : en donnant pour le pitch d’un sujet, le donateur vote pour un sujet qu’il souhaite voir publié. Dans un modèle journalistique crowdfundé, le pouvoir éditorial devient donc décentralisé. Les gens ont leur mot à dire sur les sujets qu’ils veulent lire, à la place des rédactions.

Ce changement radical mène effectivement à une autre question inévitable : est-ce que certains sujets resteront privés de couverture, sans publicité, si les lecteurs peuvent choisir ce qu’ils souhaitent lire ? Par exemple, un article sur telle minorité n’obtiendra peut-être pas assez de dons.

Je ne considère pas cela comme un problème, car les modèles crowdfundés sont encore marginaux. Je ne pense pas non plus que cela deviendra un problème car le crowdfunding restera une source de revenus parmi d’autres.

Est-ce que les écoles de journalisme préparent assez leurs étudiants à se voir eux-mêmes en termes commerciaux ? Est-ce que ce sera plus facile pour la nouvelle génération de journalistes d’embrasser ce modèle, en raison des difficultés qu’elle a déjà connues ?

Les écoles de journalisme traditionnelles n’ont pas préparé les étudiants au changement que nous sommes en train de vivre dans l’industrie du journalisme. Les business models et la réflexion entrepreneuriale n’ont pas été assez mis en avant dans le curriculum, quand ces sujets n’ont pas carrément été oubliés.

Nous entrons dans l’ère post-conglomérat du journalisme, comme je l’ai dit plus haut. Le journalisme entrepreneurial nécessite des compétences complètement nouvelles pour les journalistes quand ils sont diplômés de leur école.

Maintenant, l’état d’esprit dans les écoles de journalisme change, et les écoles enseignent de plus en plus ces connaissances, du moins aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Vous dites que “des changements similaires se passant dans les industries créatives, alors que les marques et les institutions comme les labels et les institutions médiatiques perdent du pouvoir.” Serait-il opportun qu’ils partagent ensemble sur ce sujet ?

Oui, tout à fait. Ces changements que nous observons dans le journalisme ont aussi lieu dans d’autres champs de la société : dans les domaines de l’éducation, de la connaissance, de la santé, du leadership, des entreprises, et les vieilles institutions du business se défont. Ces vieilles structures ne sont pas adaptées à ce nouvel âge qui requiert de la transparence et des interactions dans les deux sens.

Vous avez expliqué qu’il se passe dans le journalisme un “effet Obama”. Pourriez-vous résumer votre analyse ?

J’ai écrit sur le Huffington Post que “l’effet Obama” a lieu dans le journalisme, comme le pouvoir éditorial est en train de se décentraliser et que les gens peuvent de plus en plus avoir un impact sur les articles qui sont écrits, par exemple à travers les plates-formes de crowdfunding. Elles permettent aux gens de donner de petites sommes pour soutenir le journalisme qu’ils préfèrent et donc, une foule de donateurs peut avoir un impact. Exactement de la même façon que la foule a aidé Obama à réussir dans sa campagne par de petits dons. Le succès du crowdfunding est une autre preuve que les petites actions comptent.

Petites sommes deviendront grandes.

Vous avez noté que les donateurs ne participent pas beaucoup. À quoi cela tient-il ? Est-ce une lacune que les systèmes de crowdfunding devraient combler ?

Il est très intéressant que les donateurs dans les modèles de journalisme crowdfundé ne soient pas plus intéressés par la co-création. En principe, ils devraient participer plus, mais dans les faits, ils ne le font pas. Ils semblent estimer que c’est assez participer que de donner de l’argent pour un pitch. Ils ne contribuent pas beaucoup via les autres façons offertes, comme donner des tuyaux ou commenter.

Il y a plusieurs raisons à ce type de comportement. Le premier, c’est que les donateurs considèrent que le journaliste est l’expert sur le sujet et que les donateurs n’ont pas tant de connaissances que cela, pas assez pour les partager. Second aspect, les moyens de participer ne sont peut-être pas assez sophistiqués. En se basant sur les expériences de projets crowdsourcés dans le journalisme, plus la tâche est étroite et sophistiquée, plus il est probable que la foule participe.

Pensez-vous que les systèmes de micro-financement embeddable comme Flattr devrait et pourrait être utilisés par les médias traditionnels ?

Complètement, en fait, Flattr et son rival américain Kachingle sont appelés maintenant des “paiements sociaux”. Les lecteurs ont besoin d’avoir le choix sur le moyen dont ils payent pour le journalisme qu’ils aiment. Ils ont en particulier besoin du choix de soutenir certains auteurs et un certaines formes de journalisme, au lieu de payer pour toute la publication ou article, comme c’est le cas dans le modèle de revenu traditionnel.

Une question large pour conclure : pensez-vous, comme Andreas Kluth, qu’il n’y a pas de crise des médias ?

Non, le journalisme n’est pas en crise. Certaines entreprises de médias sont en crise car elle manque d’innovation et ont fait des investissements inconsidérés et autres décisions financières. Cependant, la débâcle financière de certaines entreprises de médias mène à la crise beaucoup de journalistes qui sont licenciés, une solution d’urgence pour sortir la tête de l’eau.

Le journalisme fait mieux que jamais, à plusieurs égards. L’audience est plus importante que jamais, par exemple le New York Times n’a jamais autant de lecteurs grâce à Internet. La liberté d’expression est plus forte que jamais car presque n’importe qui peut publier, en ligne, sans de lourds investissements dans des imprimeries et des bureaux. Le journalisme devient universel, dépassant les frontières, comme nous le voyons avec des plates-formes comme WikiLeaks.

Le journalisme fait mieux que jamais grâce à toutes les innovations qui émergent : nouveaux modèles de production de contenus, les lecteurs ne sont plus seulement des lecteurs mais participent au journalisme de co-création, expériences dans les modèles de revenus, c’est un nouvel âge d’or pour le journalisme.

La société a besoin du journalisme, c’est pourquoi il y aura toujours des façons de la financer aussi. Elles diffèrent peut-être de celles qui ont été utilisées depuis Gutenberg et sa presse imprimée mais cela ne signifie pas qu’elles soint pires. Ni que le journalisme soit en crise.

À lire aussi

De Tanja Aitamurto :

Spot.us ou l’impact du crowdfunding sur le journalisme et Les journalistes travaillent en public pour le public, deux articles publiés sur PBS MediaShift traduits par la soucoupe ; The Obama-Effect in Journalism: Decentralized Editorial Power

Ses présentation sur SlideShares

De Davduf et Fil : Flattr, vers un nouveau modèle économique ?

Images CC Flickr  kbaird et  By nickwheeleroz

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