OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’Inde (dé)connectée http://owni.fr/2012/10/19/inde-deconnectee/ http://owni.fr/2012/10/19/inde-deconnectee/#comments Fri, 19 Oct 2012 15:50:53 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=122952

Au départ, ce papier devait parler de train en Inde. Plus précisément, de l’initiative de la compagnie ferroviaire nationale indienne de publier une carte de temps réel du mouvement des trains à travers le sous-continent sous forme de Google Maps. Le tout agrémenté d’une évaluation en temps réel de la ponctualité sur le réseau.

Mais la question est vite venue au sein du Pôle “data” de savoir : à qui profite la carte ? Bien que dépouillée, l’application demande tout de même le chargement de Google Maps et des mises à jour en temps réel, sans compter les fenêtres d’info qui se déploient à chaque locomotive cliquée.

Portrait schizophrénique

Si l’Inde jouit sous nos climats d’une image de pays en plein boom technologique, les statistiques publiques reflètent une autre image. Par exemple, Les comptes de la Banque mondiale indiquent pour 2011 que 10,1% seulement des Indiens étaient des usagers d’Internet, contre 38,4% en Chine.

Data from World Bank

Le portail de la statistique publique indienne (Mospi) offre un aperçu bien plus fin de l’accès au web dans le pays. Une étude sur la consommation des Indiens portant sur les années 2009-2010 peint un portrait schizophrénique de ce pays : une face rutilante et équipée d’urbains et une majorité diffuse et déconnectée de ruraux.

Le recensement 2011 souligne l’importance de cette partition : à côté des zones fortement urbanisées comme Delhi (97,5% de ville), Chandigharh (97,25%) ou Lakshadweep (78,8%), la majeure partie de la population vit à la campagne. Avec 68,84% de ruraux, la dernière enquête répertoriait plus de 833 millions d’habitants hors les villes, coupés, pour la plupart, des infrastructures de communication modernes. Plus que la population totale de l’Europe – états hors Union européenne et Russie compris.

En croisant les deux données, nous avons cartographié la fracture numérique indienne (voir ci-dessous) : en rouge les états dont le taux d’accès en zone rurale est inférieur à dix pour mille foyer (soit inférieur à 1%), en jaune ceux dont l’accès est supérieur à 1% mais inférieur à 5% et en vert ceux dont l’accès est supérieur à 5% de la population. Sur les 35 états et districts de la fédération indienne, seuls six dépassent la zone rouge, pour une population totale de 44,5 millions d’Indiens. Les 29 autres comptent pour 1,165 milliards d’habitants. La moyenne nationale d’accès en zone rurale s’établissant pour 2009-2010 à 0,35% des foyers.

Prisme mobile déformant

Le potentiel commercial de ce milliard et quelques habitants pousse cependant de nombreuses sociétés à ignorer ce fossé numérique. L’une des méthodes utilisées consiste notamment à se concentrer non pas sur l’accès domestique mais sur l’accès mobile.

Une étude Ipsos commandée par Google et la Mobile Marketing Association assurait ainsi que les Indiens dépassaient les Américains dans l’Internet mobile. Le chiffre avancé de 76% d’usagers mobiles indiens utilisant les réseaux sociaux contre 56% des Américains ne portait cependant que sur les détenteurs de téléphone mobile.

Une première réserve porte sur le fait que l’accès fixe à l’Internet (comme le montre notre carte ci-dessus) reste marginale en Inde. L’étude consommation des ménages de l’institut de la statistique publique indienne relève néanmoins une consommation mobile très développée en zone rurale : l’achat de téléphone mobile concernait 69 foyers sur 1000 contre 1 sur 1000 pour les téléphones fixes et les recharges de mobile plus de la moitié des foyers interrogés (536 pour 1000) ! À titre de comparaison, l’achat de mobile concernait en zone urbaine 78 foyers pour 1000, soit moins de 1% de plus qu’à la campagne, et celle de recharges 818.

Une nuance de taille intervient cependant dans ces statistiques : celle de la dépense. En campagne, les dépenses mensuelles liées aux téléphones mobiles sont évaluées à 1,8 roupie par mois (1,4 centime d’euro) et 18,93 roupies (25 centimes) de recharge contre 55,58 roupies en ville pour les recharges (78 centimes) et 3,94 roupies en appareil (4,3 centimes).

Le site GeneratedContent.org se penchait récemment sur la façon dont la majeure partie du monde reçoit l’Internet mobile. Une étude datant de 2011 plaçait en tête des téléphones mobiles les plus utilisés dans le monde le Nokia 3150 Xpress Music, modeste dalle commercialisée depuis février 2009 par le constructeur finlandais. Avec ses 320 pixels de hauteur et 240 pixels de largeur connectés en WAP 2.0, cette antiquité aussi tactile qu’un Minitel reste à ce jour le téléphone le plus courant dans la plupart des pays d’Afrique (notamment en Egypte et en Afrique du Sud) ainsi qu’en Thaïlande et en Chine.

N’en déplaise à la ronflante étude Ipsos, l’Inde ne turbine pas la 3G à coup de Samsung Galaxy ou d’iPhone. Le téléphone le plus courant y est le Nokia X2 01 (également leader en Indonésie) dont les caractéristiques s’avèrent un peu meilleures que celle du 3150. Equipé en 3G (mais pas en Wi-Fi), le téléphone affiche sur un écran 320×240 pixels une densité de 167 pixels par image en QVGA pour une diagonale de 2,4 pouces. A titre de comparaison, l’iPhone 5 affiche en 4 pouces 1136×640 pixels.

Un commentaire au billet mentionné ci-dessus évoque une situation où la vision eurocentrée de l’accès à Internet a joué des tours aux meilleures volontés :

Il y a trois mois, j’ai déménagé en Afrique du Sud pour développer une application de réponse d’urgence. Dans un premier temps, j’ai pensé développer une application pour Android mais après quelques mois, j’ai réalisé que personne ne pouvait se payer ces téléphones. J’ai vite pris conscience de la popularité des Nokia et j’ai orienté mon application pour qu’elle soit compatible avec le X2-01.

Une réflexion valable pour les humanitaires comme pour les pouvoirs publics. Dans des pays dont l’accès mobile se résume à un écran de 2,4 pouces en 320×240, toute initiative d’Open Data inaccessible en Edge est vouée à rester un gadget dont ne se réjouiront que les pays où les appareils d’Apple et Samsung sont abordables jusque dans les zones rurales.

Le seul soulagement des pays mal équipés étant de fabriquer les téléphones mobiles haut de gamme à bas prix.


Photo par CGIARClimate [CC-byncsa]

La carte reprend les icones Rural designée par Evan Caughey et City designée par Inna Belenky, tous deux repérés en CC BY NC sur l’excellent site The Noun Project, recommandé par notre cher Cédric Audinot /-)


Nos données

Inde : accès à Internet des populations rurales et urbaines (Google Docs)

Sur le site officiel du ministère de la statistique du gouvernement fédéral indien (Mospi), les données sur les biens de consommation (dont les téléphones mobiles) sont à retrouver dans l’étude “Indicateurs clefs des dépenses des ménages indiens 2009-2010″ (PDF), publiée en juillet 2011 par le National Sample Survey Office du ministère Indien de la statistique.

Les données sur la connexion à Internet sont compilées dans l’étude “Niveau et schéma de consommation 2009-2010″ (PDF), publiée par le même organisme en décembre 2011.

Les données du recensement 2011 de l’Etat fédéral indien sont à télécharger en PDF ou en XLS sur le site dédié (interface Flash).

Les données de la Banque mondiale sur l’accès à Internet dans le monde sont à télécharger en XLS ou en XML sur l’excellent portail data de cette institution.

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http://owni.fr/2012/10/19/inde-deconnectee/feed/ 4
10 bonnes résolutions journalistiques http://owni.fr/2011/12/27/10-bonnes-resolutions-journalistiques/ http://owni.fr/2011/12/27/10-bonnes-resolutions-journalistiques/#comments Tue, 27 Dec 2011 07:31:27 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=91758

La recommandation par les pairs est l’un des phénomènes les plus puissants révélé par la “démocratisation de la diffusion”. En 2012, pour les journalistes, et ceux qui aspirent à le devenir, justifier sa place de médiateur de l’information passe donc immanquablement par une plongée en apnée dans le grand bain des réseaux sociaux. Twitter, Facebook, Instagram, Soundcloud, Storify… sont donc AUSSI le terrain.

Je n’ai pas de baguette magique mais voici 10 pistes qui me semblent intéressantes à creuser.

1) Trouvez-vous un binôme, un partenaire, un homme/femme de confiance avec qui le courant passe bien. Et faites comme Starsky et Hutch. Couvrez-vous l’un l’autre. À la vie à la mort. Pendant que l’un se rend physiquement sur un évènement, prend des photos “décalées” (càd pas celles über conventionnelles que tous les autres auront), chope de la vidéo (idem), tweete (idem) et prend la température de ce qui se trame, l’autre, au poste devant son desk, se charge de mettre en musique le tout et de re-raconter l’histoire en y ajoutant les réactions/commentaires publiés par les internautes. Inversez de temps en temps les rôles et ajustez le curseur de votre collaboration. C’est à mon sens l’un des meilleures façons de lutter contre le darwinisme à l’œuvre dans les rédactions.

2) Partagez et donnez à voir de vous tout ce qui permettra aux internautes de sentir de quel bois vous vous chauffez. Tout ce que vous ne partagerez pas, vous le perdrez. Et assumez une bonne fois pour toutes que si vous faites ce métier, c’est aussi pour soigner votre égo, légèrement surdimensionné par rapport aux individus lambda. Vous verrez, ça fait un bien fou et votre psy vous félicitera. Vous apprendrez d’autant plus facilement de vos échecs et vos succès auront bien meilleur goût.

3) Gardez en tête que chaque tweet peut être le dernier pour le compte de votre employeur actuel. Si vous le critiquez en ligne, il sera obligé de vous virer. Idem si vous sortez des clous de la légalité. Soyez conscient que même après votre service, vous êtes toujours identifié comme employé de votre média. Si vous souhaitez garder une partie de votre vie privée, ne la mettez pas ligne. Et arrangez-vous avec vos potes pour qu’ils respectent l’intimité de vos beuveries.

4) Testez, expérimentez, bidouillez. Et recommencez. C’est à ça que servent votre liste Twitter “Technologies” et votre blog. Apprenez à coder. Mettez les mains dans le cambouis. Le web est un outil. Ce que vous en ferez ne dépend que de vous et de votre curiosité.

5) Ne faites pas comme si vous aviez la science infuse. Plus personne ne vous croit quand vous traitez le même jour 10 infos sur des secteurs complètement différents en prétendant avoir “fait le tour de la question”. Rendez à César ce qui lui appartient. Faites des liens, embeddez des tweets, sourcez le blogeur qui a inspiré votre papier. Dites quand votre définition vient de Wikipédia. Gagner la confiance des individus connectés ne se fait pas en un jour… Avouez vos limites, ouvrez la porte aux experts en ligne qui pourraient enrichir et augmenter votre travail. Faites-le de préférence en amont de sa diffusion.

Google Analytics n’est pas sale !

6) Intéressez-vous à ce qui se passe près de chez vous, là où vous habitez. Votre boulangère, votre facteur ou votre plombier sont d’excellentes sources d’informations. Allez boire des coups au bistro du coin. C’est aussi ça le terrain. Et une opportunité stratégique parmi les plus intéressantes.

7) Ouvrez vos contenus et faites en sorte qu’aucune barrière ne subsiste à leur propagation. Tracez-en l’usage et faites en sorte d’apprendre tous les jours un petit peu plus à qui vous vous adressez. Intéressez-vous à leurs centres d’intérêts. Ils ne sont pas arrivés sur votre article par hasard. Plongez-vous dans Google Analytics, ce n’est pas sale.

8) Harcelez vos institutions publiques pour qu’elles mettent à votre disposition et à celle des internautes les données relatives à son fonctionnement. En tant que citoyen, vous avez le devoir de vous insurger contre leur utilisation exclusivement commerciale par des entreprises privées. En tant que journaliste, c’est une mine d’or pour traquer les dysfonctionnements et mettre en lumière les paradoxes de notre société.

9) Soyez béton sur les faits, recoupez vos sources et respectez celles qui demandent à rester anonymes. C’est ce qui vous différenciera. Car pour tout le reste, le commentaire, l’analyse, la mise en contexte, la polémique, la critique… il ne faut pas être journaliste.

10) Vous n’avez pas choisi le métier le plus facile ni le plus bankable, alors faites au moins en sorte de prendre votre pied. Soyez vous-mêmes et dites-vous bien qu’on n’a pas attendu le numérique pour voir les cons voler.

Bonne année à tous !

À lire aussi:

Ten things every journalist should know in 2012 (Journalism.co.uk)

Quelles tendances pour 2012 ? (Work In Progress)

Article publié initialement sur le blog de maître Damien Van Achter sous le titre Journaliste : en 2012, trouvez votre Starsky.

Photo : FlickR CC-BY Euthmann.

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LeWeb’09 et le temps réel http://owni.fr/2009/12/01/leweb09-et-le-temps-reel/ http://owni.fr/2009/12/01/leweb09-et-le-temps-reel/#comments Tue, 01 Dec 2009 13:41:17 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=5786 C’est dans une semaine !

leweb09La soucoupe est en train de réviser ses propulseurs à gazouillis et son moteur à billets, coup de chiffon sur le pare-brise et les senseurs, graissage-vidange, un petit coup de peinture sur l’aile gauche, test du détecteur de particules et du sonar… et je serai fin prêt pour aller plonger dans la foule au 104 et diffuser autant d’information que possible, en temps réel, œuf corse.

Pourquoi le temps réel ? Parce qu’en 2009, avec en particulier une forte contribution de Twitter, mais aussi des applications mobiles et de la géolocalisation, le temps s’accélère pour coller au présent. Les implications sont diverses, et sans doute non exhaustives parce que les usages ne font que naître : accélération de l’information, échange et partage multi-plateformes, réalité augmentée, témoignages d’endroits isolés ou exclusifs, bruissement des feuilles annonçant la bourrasque, Internet mobile et Internet des objets….

Le programme complet de rassemblement LeWeb’09 est détaillé et Loïc annonce déjà plus de 1 800 participants. Cette année les speakers seront nombreux et plutôt variés.

Notons la présence :

  • >> des classiques : Nokia, BT, Google, Microsoft, Paypal, Dell, YouTube, Ning…
  • >> des bons clients habituels : Simoncini pour Meetic, Orange, Arrington deTechCrunch, Xavier Court de Vente Privée, Joi Ito de Creative Commons, Freddy Mini pour Netvibes, Robert Scoble
  • >> des p’tits qui promettent : Barak Hachamov pour My6Sense, Patrice Lamothe pour Pearltrees, Tariq Krim pour Jolicloud, Marc Rougier de Goojet entre autres
  • >> des p’tits qui ont beaucoup grossi en quelques temps : Jack Dorsay pour Twitter, Sean McCullough pour Ping.fm, Martin Lorentzon pour Spotify, Ethan Beard de Facebook
  • >> des agitateurs d’idées : Danah BoydSteve Gillmor, Paul Carr, Brian Solis, Cyril Zimmermann, Andrew Keen
  • >> des outsiders plus étonnants : La Reine Rania Al Abdullah de Jordanie et Violet Blue

Les ateliers méritent aussi le coup d’œil, même si le format de 50′ risque d’être dense : API Twitter, gestion de communauté avec Danone et Six Apart, applications Facebook et Nokia…

Pour voir tout ça de près, en mode dynamique, rien de tel qu’un petit collier de perles : Pearltrees.

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L’ordinateur est en train de l’emporter sur le computer http://owni.fr/2009/11/26/l%e2%80%99ordinateur-est-en-train-de-l%e2%80%99emporter-sur-le-computer/ http://owni.fr/2009/11/26/l%e2%80%99ordinateur-est-en-train-de-l%e2%80%99emporter-sur-le-computer/#comments Thu, 26 Nov 2009 10:56:33 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=5740

322481121_f5712a70b2_o1A ses débuts, l’ordinateur était une grosse calculatrice avec des boucles d’itération et des fonctionnalités mathématiques un peu avancées. Puis avec le perfectionnement et l’ajout de composants internes ou externes, ce fut aussi progressivement une machine à écrire, à mettre en page, à mettre des sons, à créer des images, à les animer… aujourd’hui, c’est une machine qui peut aussi se connecter à d’autres et permettre à son utilisateur d’interagir avec des applications distantes, de piocher dans des bases d’informations, ou d’être en contact avec d’autres utilisateurs par des moyens électroniques.

Ce qui était une machine dont l’étalon était la puissance est devenu un maillon d’un réseau dont le point fort est le nombre, la force et la diversité des liaisons. Le rigide computer est devancé par le complexe et riche ordinateur. Comme notre cerveau.

Le terme français est assez étonnant car plutôt isolé (avec l’italien) : l’ordinateur, c’est ce qui range, classe, trie. Alors que le terme anglais computer et ses déclinaisons en allemand, russe, portugais, serbe, hollandais, coréen, grec… définit ce qui calcule. D’après ce que j’ai trouvé, il existe aussi deux cas étonnants : les norvégiens et suédois datamaskin qui suggère l’exploitation de données, et le slovaque počítač (littéralement : « ce qui permet de lire, de visionner »). Notons que l’espagnol ou le roumain semblent employer indifféremment les deux notions, calcul et organisation, mais toute précision extérieure est la bienvenue.

Si j’en crois Wikipedia, c’est le philologue Jacques Perret qui aurait proposé en 1955 à IBM (qui trouvait le terme computer trop restrictif) le mot « ordinateur », par référence biblique au grand ordonnateur qui organise le monde. Il met les choses dans l’ordre.

Et bien cette conception de la machine, qui n’est pas sans rapport avec une vision plus globale de l’intelligence et des capacités mentales, est passée en partie au second plan. Certes, une bonne puissance (qu’il s’agisse du processeur ou de la mémoire vive) est utile pour faire fonctionner correctement certaines applications gourmandes en ressources ou pour en maintenir plusieurs actives en même temps, mais le succès commercial des netbooks et la baisse parallèle des ventes d’ordinateurs montre que la course au toujours plus n’est plus forcément de mise. Le good enough se fait plus prégnant quand les moyens financiers sont en baisse, quand la machine portable est un quatrième écran, mais aussi quand un marché sature et cherche à s’étendre… vers le bas.

Car les pratiques ont changé, et notre conception de l’intelligence et des capacités mentales également sans doute. Depuis quelques temps, avec les nouveaux outils de partage (Digg et autres delicious) et d’attraction de contenus (RSS) et les médias sociaux (blogs, Facebook, Twitter, Dailymotion…), la technologie est devenue transparente pour nous permettre de faire des choses sans faire de calculs : propulser et recevoir des informations dans une infosphère dont les caractéristiques (locuteurs, interlocuteurs, tempo, volume, capillarité entre les différents canaux) sont propres à chacun. Nous entrons dans un moment où il devient important de filtrer, trier, classer les informations et les données pour gagner du temps, éviter l’infobésité et enrichir utilement son propre savoir tout en contribuant au savoir des autres. Là où auparavant il importait avant tout de calculer, depuis que le grand public s’est emparé de l’ordinateur, il importe davantage de savoir chercher et archiver, connecter et archiver.

Ce sont bien ces enjeux qui animent à la fois les communautés de l’informatique mais aussi de l’information et du savoir en général :

» stockage (espace, serveurs dédiés, logiciel et base de données comme services distants) et archivage (classement et indexation, traçabilité, effacement et droit à l’oubli)

» classement et taxonomies personnalisées à plusieurs dimensions grâce aux tags (sur les favoris partagés comme delicious, mais aussi sur Twitter avec les hashtags) ou aux listes, ou encore sous forme dynamique et d’organigramme visuel comme Pearltrees.

» accès aux données, c’est à dire recherche dans les archives mais aussi libération des données enfermées dans des silos, avec l’exemple de la donnée publique ouverte et le data.gov

» alertes et informations en temps réel, avec par exemple l’intégration des gazouillis de Twitter dans Bing ou Google, et le récent accord BNO / MSNBC, et plus simplement l’intégration des flux RSS dans des outils professionnels (récent partenariat Netvibes / Sage). Signe des temps : le web et temps réel est la thématique de la conférence LeWeb’09.

»recoupement et rapprochement d’informations et d’idées : fact checking (suivre à ce sujet l’expérience du Monde.fr : les décodeurs), graphes sociaux, applications composites ou mashups, mise en regard de valeurs ou évolution dans des infographies, cross-over entre univers.

» partage de différents types de documents (texte sur Scribd, présentation sur Slideshare, liens grâce aux raccourcisseurs d’URL comme bit.ly qui permet d’obtenir des statistiues sur les taux de clics, vidéos avec YouTube et autres Dailymotion ou Vimeo) par tous types de moyens de diffusion, du statut Facebook : le lifecasting ou 36 15 MyLife a fait place au mindsharing façon “regardez ce que j’ai découvert”. L’illustration la plus récente et significative est l’invite de Twitter, qui est passé de “What are you doing ?” à “What’s happening ?”

» vote et qualification des contenus pour améliorer collectivement la pertinence du classement et de l’indexation : au-delà du commentaire, donner simplement un “plus” ou un “moins”, ou bien attribuer une note, est un système que l’on retrouve sur Agoravox ou Le Post, mais aussi dans d’autres systèmes qui font remonter les “tops”, par exemple les tops des lecteurs et les tops selon les contributeurs chez aaaliens.

Il s’agit donc aujourd’hui d’organiser le savoir, son accès et ses exploitations plutôt que de la simple machine à calculer. Pour reprendre l’expression que m’avait suggéré il y a quelques mois un camarade qui prenait au sérieux l’organisation de sa tuyauterie médias sociaux : nous sommes passés d’une obsession du neurone à un focus sur le pouvoir des synapses. Le parallèle avec le cerveau est particulièrement pertinent.

Ce réseau de cellules constitue une formidable machine à classer, ranger, regrouper, associer… et à remplir les vides ou à remettre de l’ordre quand il en manque. Il faut une certaine dose d’abstraction et d’extrapolation pour faire de quelques minuscules pixels un personnage, par exemple Mario en 1981. Pourtant, même en proposant la version d’origine à un jeune joueur aujourd’hui, son cerveau remplira spontanément en très peu de temps les vides pour “lisser” le personnage et se figurera quelque chose proche de ce qu’on peut voir en 2008. Il y a là quelque chose de fractal : à partir de traits grossiers, le cerveau imagine la complexité.

De même, le fameux exemple de dyslexie montre que le cerveau remet les lettres dans l’ordre assez facilement et on se surprend à lire de manière plutôt fluide ce qui est pourtant mélangé.

Cela fait partie de facultés infra-conscientes de nos cellules grises, qui travaillent très vite et à notre insu. On peut très bien faire de savants calculs balistiques de paraboles en fonction du vent, du poids de l’objet, de la distance… et arriver 5 minutes après pour ramasser la balle au sol, ou bien simplement laisser faire nos yeux et notre cerveau et la rattraper au vol (et éventuellement de libérer un prisonnier au passage).

La génération Y qui a pu connaître le début de l’ordinateur et la fin du computer ressent plus naturellement que c’est la connexion et l’efficacité qui prime désormais sur la grosse machinerie. Cela permet d’accéder à davantage de richesse, d’apports extérieurs, de gagner en souplesse et en réactivité. Pourtant, dans les parcours scolaires le “par cœur” et le “magistral”continue à être le credo, au détriment de l’apprentissage de la recherche et de la classification, de l’apprentissage d’un savoir-être et de la relation à l’autre, de l’encouragement au bidouillage et au do it yourself. En entreprise le modèle pyramidal avec tous ses rouages bien alignés prime encore sur le modèle lâche du réseau informel. Le débat tête bien pleine / tête bien faite est sans fin, mais au jeu de l’adaptation et de la réactivité, à l’heure où les contextes technologiques, économiques et sociaux évoluent vite, quand les pratiques dépassent la technique et se diffusent largement, il serait temps que les paradigmes sociaux en tiennent compte.


» Article initialement publié sur http://enikao.wordpress.com
» Photo de Une par ibananti sur Flickr

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Suivez en temps réel l’élection gabonaise http://owni.fr/2009/08/30/suivez-en-temps-reel-lelection-gabonaise/ http://owni.fr/2009/08/30/suivez-en-temps-reel-lelection-gabonaise/#comments Sun, 30 Aug 2009 16:23:35 +0000 Admin http://owni.fr/?p=2999 Sur son blog, Antonin Moulart nous propose de suivre l’élection gabonaise en temps réel :

“Les élections au Gabon, c’est en ce moment ! Journée cruciale pour le peuple Gabonais qui va devoir élire un président après quarante ans de dictature. La fiabilité du scrutin ne va pas de soit et de nombreux observateurs internationaux craignent une fraude massive. Le tenant du système, Ali Ben Bongo Ondimba est prêt à tout pour ne pas se faire “voler” son héritage. Seulement, le peuple gabonais en a assez de voir son pays être pillé par le pouvoir familial. La volonté de rupture est forte. 22 candidats sont en lice pour cette élection présidentielle à un tour. Une occasion historique pour tout un peuple de changer de gouvernance et améliorer ses conditions de vie …”

> Lire la suite ici

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