[infographie] DSK en tête? Faux!

Le 31 août 2010

Malgré l'unité affichée, la guerre des chefs continue au PS. Pourtant, l'analyse des deux précédentes présidentielles montre que le leader 20 mois avant le scrutin a peu de chances d'être investi.

« L’ombre de DSK plane sur le PS », titrait Le Point au lendemain de l’université d’été du PS. A La Rochelle, on n’a pas de pétrole, mais on a des présidentiables ! L’année dernière, on y parlait de la rivalité Aubry-Royal. En 2008, un article du même magazine couvrant l’évènement arrivait à placer pas moins de 12 personnalités PS dans son article de synthèse.

Cette infographie rappelle qu’à la question: “Pour chacune des personnalités suivantes, souhaitez-vous qu’elle ait davantage d’influence dans la vie politique française?”, ceux qui ont représenté le PS à l’élection suprême n’étaient pas forcément les plus plébiscités par les sondés à deux ans du scrutin. C’est le cas pour Ségolène Royal, qui était en 2005 en troisième place, celle qu’occupe Dominique Strauss-Kahn aujourd’hui.

Au-delà de cette focalisation sur les individus, on pourrait tenter de remonter le temps jusqu’à retrouver une université d’été où l’intérêt des médias s’est porté sur le programme du parti, mais les archives de la presse en ligne ne vont pas jusque là.

Le plus surprenant reste la capacité du parti et des journalistes qui le suivent à se focaliser sur une course dont l’issue se règlera dans deux ans. Autant demander à Eugène Saccomano de commenter un marathon:

Alors qu’Aubry et Royal sont au coude-à-coude dans la surface, Delanoë reste en retrait dans le rond central et l’on voit Valls et Hollande remonter sur l’aile ! Aubry semble reprendre le dessus en se dégageant habilement de Royal mais rate son contrôle !!! Oooooh, Martiiiiine, qu’est ce que tu nous fais là ! Sur le banc, DSK commence à s’échauffer et le public crie son nom !

Mais voilà, un match de foot dure 90 minutes. Au PS, la course dure depuis le 21 avril 2002 et une phrase : « je me retire de la vie politique ». Huit ans sans qu’un leader n’arrive à insuffler des idées et une vision à des militants qui ne demandent que ça. Huit ans que politiques, analystes et journalistes se perdent en conjectures pour savoir qui sera le prochain à tenter de ne pas perdre une élection nationale contre la droite.

Cet exercice est d’autant plus lassant qu’il est vain. A plus de 2 ans des élections, les personnalités qui joueront un rôle lors de la présidentielle nous sont encore inconnues. Comme le montre l’analyse que nous avons réalisée sur les élections de 2002 et de 2007 d’après les « cotes d’avenir » établies chaque mois par TNS/Sofres, les personnalités vedettes du PS 20 mois avant l’échéance ont été reléguées au second plan le jour J.

Les premiers seront les derniers

Elisabeth Guigou, dauphine de Jospin en 2000, n’a pas été celle qui a repris le parti en main après l’humiliation de 2002. Bernard Kouchner, malgré une popularité au sommet en 2005 et quasiment égale à celle de Sarkozy (54% en aout 2005), n’a pas pesé sur l’élection de 2007. Delanoë, qu’une grosse minorité des Français souhaiterait voir « jouer un rôle plus important » sur la scène nationale depuis 10 ans, d’après la formulation de la Sofres, ne récolte pas non plus les fruits de son succès. Il y a fort à parier qu’Aubry sera, elle aussi, dépassée en 2012 par celui ou celle qui est aujourd’hui considérée comme une personnalité de second rang.

L’engouement pour ceux qui s’engagent trop tôt n’est pas une spécificité du PS. Aux États-Unis, celui ou celle qui part favori pour les primaires ne devient que rarement le candidat officiel des démocrates ou des républicains. Howard Dean en reste le meilleur exemple : Annoncé vainqueur des primaires en 2003, il a été dépassé par John Kerry lorsque les choses sérieuses ont commencé. Curieuse coïncidence, sa campagne a débuté en mars 2003, soit exactement… 20 mois avant l’échéance fatidique. Dean n’est pas le seul à avoir fait les frais d’une campagne trop vite consumée. En 1980, Ted Kennedy s’est également pris une belle déculottée face à un Jimmy Carter en état de mort politique quelques mois auparavant.

Machine à perdre

Les problèmes du PS ne se limitent pas à une série de faux départs. Le parti s’est également fait une spécialité de réparer une machine atone avec des pièces usagées. Comme si Domenech avait rappelé Trésor et Giresse, les perdants de France-RFA en 1982, dans son équipe en Afrique du Sud. Laurent Fabius et DSK étaient, eux aussi, déjà actifs au niveau national au début des années 1980.

Le riant visage du PS à Caen.

L’incapacité à faire émerger des nouvelles têtes et à tirer les leçons des échecs tient peut-être au manque de rigueur et de volonté au sein du parti. En 2005, les grands noms du PS ont montré ce qu’ils pensaient des votes internes au parti. En ne suivant pas le choix des militants pour le ‘oui’ au référendum sur la constitution européenne, les Fabius, Emmanuelli ou Mélenchon exposaient au grand jour le manque de leadership de l’opposition. Dans ces conditions, quelle crédibilité apporter aux primaires du PS ?

De la même manière, Laurent Fabius, pourtant 3e des primaires de 2006 avec près de 20% des voix des militants, n’avait à l’époque qu’une cote d’avenir de 22 points. DSK, sorti des primaires sur le même score, avait une cote deux fois supérieure. Les militants PS votent-ils pour celui qui les fera gagner ou en fonction d’impératifs claniques ?

Espérons que l’on cesse de se focaliser pour savoir qui sera calife à la place du calife et que l’on se concentre vraiment sur les idées. Sans forcément souhaiter une victoire du PS, les démocrates doivent se mobiliser pour que les français disposent d’une opposition crédible. L’été 2010 a montré ce dont quoi un gouvernement laissé à lui-même était capable.

Que le PS se rassure néanmoins. Les cotes d’avenir des leaders de droite sont encore plus ternes que celles de Mitterrand en décembre 1991, à son plus bas historique. Les membres du gouvernement plébiscités par plus d’un tiers des sondés restent Rama Yade et Bernard Kouchner. On voit mal l’UMP les adouber en 2012 pour succéder à Sarko 1er.

Photo: CC thestrengthofcow, Gueorgui Tcherednitchenko

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