Vol noir de corbeaux sur l’Open Data français

Le 2 novembre 2012

Regards citoyens, association pionnière sur l'Open Data en France, réagit pour Owni aux deux articles très relayés qui laissent augurer d'un avenir assombri pour l'ouverture des données en France. Pour elle, il s'agit d'un bad buzz non étayé. Tribune en mode décorticage des faits.

La France entr’ouverte

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L'État a lancé son site data.gouv.fr. La France, enthousiaste, ouvre donc ses données publiques comme les États-Unis. ...

Ce mercredi, Le Journal du Net a publié un article intitulé “Etalab dissout, vers la fin de l’open data à la française ?”, à propos du regroupement d’Etalab, la mission gouvernementale chargée depuis 2011 de l’Open Data, avec la direction interministérielle pour la modernisation de l’action publique (DIMAP) et la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication (DISIC).

Pour nos confrères, cette évolution “pourrait entrainer un changement de philosophie de la part de l’Etat en matière d’ouverture des données publiques”, en mal. L’article en évoquait un autre à l’appui, des Echos, “Open data : l’Etat pourrait renoncer à la gratuité des données publiques”.

Deux articles assez pessimistes, qui apparaissent peu factuels à Regards citoyens, association pionnière de l’Open Data en France, d’autant plus qu’ils ont été très relayés, en particulier sur Twitter, et qu’il a déclenché une réaction de l’UMP, qui y a vu une occasion de taper sur la majorité. Pour dénoncer le retour en arrière du gouvernement.

Au contraire, Regards citoyens y voient un effet de communication sans fondements :

Nous n’hésitons jamais à Regards citoyens à réagir quand des choses nous semblent alarmantes, par exemple sur les redevances que font payer certaines administrations ou les formats propriétaires d’Etalab, mais là nous avons plus le sentiment d’assister à la déferlante d’un buzz basé sur aucun fait réellement inquiétant.

#OpenData <3 #FactChecking :)

Un point de vue partagé par LiberTIC, autre historique :

Point par point, Regards citoyens (RC) revient sur ce qu’il estime être des imprécisions et des spéculations, en s’appuyant en particulier sur le texte du décret (les gras sont de RC). Ainsi, le verbe dissoudre leur semble incorrect : “Le gouvernement a décidé de dissoudre Etalab dans la Direction interministérielle pour la modernisation de l’action publique [...]

L’Open Data payant s’ouvre à la gratuité des débats

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Monétiser les données publiques : le débat a ressurgi après l'annonce la semaine d'une réflexion menée dans ce sens. Un ...

“Le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique regroupera l’ancienne direction générale de la modernisation de l’Etat  (devenue direction interministérielle pour la modernisation de l’action  publique) et la direction interministérielle des systèmes d’information  et de communication (DISIC). Il prendra également en charge la coordination  interministérielle de la réforme des services déconcentrés de l’Etat,  ainsi que la mission chargée de faciliter la mise à disposition des  données publiques (mission dite Etalab). L’ensemble, placé sous  l’autorité du Premier ministre, constitue un outil cohérent pour une  nouvelle approche de la réforme administrative.”

“Il s’agit donc plus d’une refonte et modernisation de la DGME (anciennement juste à Bercy) dans l’esprit, interministériel, d’Etalab et de la DISIC que l’inverse”, commente RC. D’autant que le nouveau directeur est Jérôme Filippini, ancien de la DGME mais seulement depuis trois semaines, probablement en prévision de cette réorganisation, et surtout ancien de la DISIC.

Autre point mis en avant par le Journal du Net, qui avançait : “Mais alors que  la mission d’Etalab était de “rassembler” et de “mettre librement” les  données publiques à disposition d’une communauté de réutilisateurs,  l’ex-DGME se contentera désormais de “faciliter la mise à disposition  des données publiques”, stipule le décret paru au Journal Officiel.”

Une lecture un peu rapide du décret, poursuit RC, puisque les missions restent inchangées :

“Article 2.III ― Il coordonne l’action des services de l’Etat et de ses  établissements publics pour faciliter la réutilisation la plus large possible de leurs informations publiques. Il administre le portail  unique interministériel destiné à rassembler et à mettre à disposition librement l’ensemble des informations publiques de l’Etat, de ses établissements publics et, si elles le souhaitent, des collectivités  territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public. Il coordonne les travaux interministériels relatifs à l’amélioration du fonctionnement des services déconcentrés de l’Etat.”

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Rajoutons que Jérôme Filippini a plutôt un profil data-compatible. Lors de son discours d’ouverture de l’Open World Forum, le mois dernier, le même Journal du Net rapportait :  “Evoquant le projet data.gouv sur l’ouverture des données publiques comme première étape de la démarche, il enfonce le clou : “Le premier ministre a pris l’initiative de lancer la semaine dernière un nouveau cycle de réformes de modernisation de l’action publique”, enchaîne-t-il. Or, l’une des colonnes vertébrales de ce nouveau projet est bien la participation des usagers et des agents à la construction du service public. “C’est évidemment là un premier lien qui va se dessiner entre l’Open Source et l’Open Gouvernance”

Feuille de route inchangée

Sur le passage au payant de certaines données, RC pointe un communiqué de presse du gouvernement relayé cette semaine par Etalab, annonçant l’inverse :

La feuille de route d’Etalab sera précisée dans les semaines qui viennent. Il s’agira de poursuivre la mise à disposition gratuite des données publiques.

Sur l’article des Echos, RC relève que “les informations sont au conditionnel et n’ont d’autres sources que la phrase d’Olivier Schrameck, peut-être même sortie de son contexte, Schrameck disait par ailleurs le contraire lors d’un colloque OpenData le lendemain” :

“Au final ce décret ne fait que confirmer l’engagement opendata, conclut Regards citoyens, en le réorganisant, mais c’est la seule information nouvelle depuis la charte de déontologie [pdf] au premier conseil des ministres du gouvernement qui annonçait déjà un engagement fort pour l’opendata.”

On devrait en savoir davantage en décembre, avec la tenue du premier comité interministériel pour la modernisation de l’action publique. Il adoptera alors “une feuille de route sur l’administration numérique, l’e-citoyenneté et la mise à disposition de données publiques.”


Photo par John Curley [CC-byncsa]

À lire aussi cet article de LiberTIC : Couvrez ces données que l’on ne saurait voir

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